METZ
PAROISSE ORTHODOXE DES TROIS SAINTS HIERARQUES
Basile-le-Grand, Grégoire-le-Théologien et Jean-Chrysostome
православная церковь русской традиции
Bienvenue à cette séance de catéchèse. Je voudrais vous parler aujourd’hui de l’épitre aux Hébreux, en faire ressortir quelques points, pour vous aider à mieux entrer dedans. Pour ceux qui font régulièrement les lectures indiquées dans le calendrier liturgique, comme je le recommande toujours, nous avons lu dernièrement cette épitre durant deux semaines (fin janvier et début février).
C’est une épitre un peu difficile, mais d’une grande richesse théologique. L’Église orthodoxe l’attribue traditionnellement à saint Paul : elle est en effet d’inspiration paulinienne, mais il est peu probable qu’elle ait été rédigée de sa propre main. Elle a été écrite pour des chrétiens venus du judaïsme, qui connaissaient donc bien les Écritures (les Écritures de l’époque, qui sont devenues pour nous l’Ancien Testament), pour leur montrer que l’Évangile est l’accomplissement de ce qui y était préparé et annoncé.
L’épitre commence par une affirmation de grande densité théologique :
Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu'Il a établi héritier de toutes choses, par lequel Il a aussi créé le monde, et qui, étant le reflet de sa gloire et l'empreinte de sa Personne, et soutenant toutes choses par sa parole puissante, a fait la purification des péchés et s'est assis à la droite de la Majesté divine dans les lieux très hauts, devenu d'autant supérieur aux anges qu'Il a hérité d'un nom plus excellent que le leur.
Dans ce préambule, qui est une véritable confession de foi, en 4 versets, nous avons déjà tous les éléments qui vont être développés dans l’épitre. Je reprends les éléments qui sont dans cette phrase :
- « Après avoir autrefois parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils ». C’est donc le même Dieu qui s’est manifesté et a fait alliance avec le peuple hébreu, qui a parlé par les prophètes, et qui maintenant s’est révélé dans le Christ Jésus, le Fils de Dieu. L’Évangile est en continuité avec l’Ancien Testament.
- « Dieu nous a parlé ». Cela signifie que notre foi n’est pas une construction humaine, elle est fondée sur ce que Dieu nous a Lui-même révélé.
- « Il nous a parlé par le Fils ». En Dieu, il y a donc le Père et le Fils. Un peu plus loin, il sera fait mention aussi du Saint-Esprit : nous avons ici en germe la doctrine de la Trinité. Le Père parle par le Fils. Autrement dit, le Fils s’identifie avec la Parole du Père, le Verbe de Dieu, le Logos comme le dit saint Jean dans le prologue de son Évangile. Avant le Christ, Dieu n’apparaissait qu’en symboles ; avec le Christ, Il nous apparait et nous parle directement. « Personne n'a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est Celui qui l'a fait connaître », nous dit aussi saint Jean (Jean 1,18).
- « Dieu a établi le Fils héritier de toutes choses ». Cette affirmation, avec le mot héritier, fait écho à cette parole de Dieu dans le psaume 2 : « Le Seigneur m'a dit : Toi, tu es mon Fils, Moi, aujourd'hui, Je t'ai engendré. Demande-le Moi, et Je te donnerai les nations en héritage, et pour apanage, les extrémités de la terre » (Ps. 2,7-8).
- « C’est par le Fils que Dieu a créé le monde ». Ceci est également en accord avec l’Évangile de Jean : « Toutes choses ont été faites par Lui, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Lui » (Jean 1,3). Et dans le Crédo, après le Père créateur de toutes choses, nous confessons le Fils « par qui tout a été fait ».
- « Il est le reflet (ou le resplendissement) de sa gloire et l’empreinte de sa Personne ». C’est une affirmation qui rejoint celle de saint Paul dans l’épitre aux Colossiens : « Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en Lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par Lui et pour Lui » (Col. 1,15-16 ; cf. aussi 2 Cor. 4,4). En dans l’Évangile de Jean, lorsque Philippe demande à Jésus : « Seigneur, montre-nous le Père », Jésus lui dit : « Il y a si longtemps que Je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père » (Jean 14,8-9). Et Jésus dit encore : « Le Père et Moi, nous sommes Un » (Jean 10,30).
- « Il a fait la purification des péchés ». C’est en cela qu’Il nous sauve.
- « Il s'est assis à la droite de la Majesté divine dans les lieux très hauts ». C’est à peu près dans les mêmes termes que Marc nous parle de l’Ascension du Christ dans la finale de son Évangile (Marc 16,9). Et c’est aussi ce que nous confessons dans le Crédo. On voit qu’une grande partie de ce que nous confessons est déjà contenu dans ce préambule de l’épitre aux Hébreux.
- « Il a hérité d'un Nom plus excellent que celui des anges ». Il est question ici du Nom de Jésus. Dans l’épitre aux Philippiens, saint Paul s’exprime en ces termes à ce sujet : « Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au Nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Phil. 9-11). Et aux anciens d’Israël qui lui demandaient au nom de qui il avait guéri un infirme, Pierre a répondu : « C’est au Nom de Jésus-Christ… Car il n'y a de salut en aucun autre ; car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Act. 4,8-12).
Vous voyez comme ce qui est dit de manière très condensée dans une seule phrase fait écho à beaucoup d’autres passages de la Bible qui s’éclairent mutuellement.
- Jésus, en tant que Fils, est donc « supérieur aux anges ». C’est une manière d’affirmer sa divinité. Pour le montrer, dans la suite du chapitre 1, l’auteur de l’épitre va s’appuyer sur la Parole de Dieu dans les Écritures (Ancien Testament), et en particulier dans les Psaumes.
Car auquel des anges Dieu a-t-Il jamais dit : « Tu es mon fils, Moi, aujourd'hui, Je t'ai engendré » ? (Ps. 2,7 déjà cité).
Et encore : « Je serai pour lui un père, et il sera pour Moi un fils » (2 Rois 7,14, lorsque Dieu promet à David une postérité).
Et l’auteur continue en citant toute une liste de versets qu’il applique à Jésus :
« Ton trône, ô Dieu, est un trône éternel ; le sceptre de ton règne est un sceptre de droiture ; tu as aimé la justice et haï l'iniquité ; c'est pourquoi, Dieu, ton Dieu t'a oint d’une huile d’allégresse, de préférence à tes compagnons » (Ps. 44,7-8).
Jésus est donc Christ : Il est oint (christ en grec) d’une onction supérieure à celle des rois terrestres, et son royaume, le Royaume des cieux, est éternel.
« Au commencement, Seigneur, tu as fondé la terre, et les cieux sont l'œuvre de tes mains ; ils périront, mais Toi tu demeures, et ils vieilliront comme un vêtement ; Tu les changeras comme un manteau et ils seront changés ; mais Toi, tu restes le même, et tes années ne passeront pas » (Ps. 101,26-28).
Jésus n’est donc pas une créature, mais le Dieu créateur, Il n’a ni commencement ni fin, Il est éternel.
« Siège à ma droite, jusqu'à ce que Je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds » (Ps. 109,1).
Ce psaume annonce la victoire du Christ sur l’Auteur du mal. Et pour s’élever dans la gloire, Il se servira comme marchepied de la Croix, l’instrument de mort utilisé par son ennemi.
Remarque. Ce psaume est également cité par Jésus pour répondre aux pharisiens qui refusent de reconnaître en Lui le Christ : « Comme les pharisiens étaient assemblés, Jésus les interrogea, en disant : Que pensez-vous du Christ ? De qui est-il fils ? Ils lui répondirent : De David. Et Jésus leur dit : Comment donc David, animé par l'Esprit, l'appelle-t-il Seigneur, lorsqu'il dit : "Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite, jusqu'à ce que Je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds" ? Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils ? Nul ne put lui répondre un mot. Et, depuis ce jour, personne n'osa plus lui proposer des questions » (Matth. 22,41-46). On ne peut résoudre en effet cette difficulté que si l’on confesse les deux natures du Christ : Il est bien descendant de David selon la chair en tant qu’homme, tout en étant son Seigneur en tant que Dieu.
« Que tous les anges de Dieu l'adorent ! » (Ps. 96,7).
Mais Il dit des anges : « Lui qui fait de ses anges des esprits, et de ses serviteurs des flammes de feu » (Ps. 103,4).
Et la conclusion de cette liste de citations :
Ne sont-ils pas tous des esprits au service de Dieu, envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut ?
Les anges sont donc les serviteurs de Dieu, et nos serviteurs à nous les hommes qui devons hériter du salut.
L’épitre nous donne ici un bel exemple de lecture christologique des psaumes, classique dans l’Église. Beaucoup de psaumes sont attribués à David et (dans une lecture au premier degré) parlent de lui en tant que roi d’Israël et christ (en grec) ou messie (en hébreu), c’est-à-dire ayant reçu l’huile de l’onction royale. Mais à travers David, dans une lecture chrétienne, ces psaumes nous parlent du Christ Jésus, oint de l’Esprit-Saint et roi céleste de l’univers.
Et d’une manière générale, c’est tout l’Ancien Testament qui nous parle du Christ. C’est ainsi, par exemple, que Jésus dit aux juifs qui l’accusaient : « Vous sondez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de Moi… Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez, car c’est à mon sujet qu’il a écrit » (Jean 5,39-46). Et aux pèlerins d’Emmaüs : « Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, Il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Luc 24,27).
Après cela, comme il le fera plusieurs fois dans le cours de l’épitre, l’auteur introduit une mise en garde, pour que nous conformions notre vie aux révélations que nous avons reçues. Car à quoi serviraient les révélations divines si elles n’avaient pas d’effet sur notre vie ? Et il nous exhorte à nous instruire des exemples de l’Ancien Testament qui nous sont donnés pour notre instruction :
C'est pourquoi nous devons d'autant plus nous attacher aux choses que nous avons entendues, de peur que nous ne soyons entraînés à la dérive. Car, si la parole annoncée par des anges a eu son effet, et si toute transgression et toute désobéissance a reçu une juste rétribution, comment échapperons-nous en négligeant un si grand salut, qui, annoncé d'abord par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l'ont entendu, Dieu appuyant leur témoignage par des signes, des prodiges, et divers miracles, et par les dons du Saint-Esprit distribués selon sa volonté.
Remarque : c’est la première mention du Saint-Esprit dans cette épitre. Il apparaît ici comme Celui qui se manifeste par ses dons, « distribués selon la volonté de Dieu » : cela signifie que la volonté de Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, est Une.
Un peu plus loin (versets 3,7 et 10,15), le Saint-Esprit apparaîtra comme Celui qui a parlé par les prophètes (comme nous le disons dans le Crédo). Et il sera dit des chrétiens qu’ils ont eu part au Saint-Esprit, qu’ils ont goûté le don céleste et les puissances du siècle à venir (versets 6,4-5). Autrement dit, c’est par le Saint-Esprit que Dieu se communique à nous.
Et l’épitre reprend son cours pour expliquer à partir des Écritures, en l’occurrence du psaume 8, que toutes choses sont soumises au Christ (nous disons aussi qu’Il est Pantocrator : ce qui signifie qu’Il règne sur tout) :
En effet, ce n'est pas à des anges que Dieu a soumis le monde à venir dont nous parlons. Or quelqu'un a rendu quelque part ce témoignage : « Qu'est-ce que l'homme, pour que Tu te souviennes de lui, et le fils de l'homme, pour que Tu prennes soin de lui ? Tu l'as abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges, Tu l'as couronné de gloire et d'honneur, Tu as mis toutes choses sous ses pieds » (Ps. 8,5-7).
Et voici comment est commenté ce psaume :
En effet, en lui soumettant toutes choses (à l’homme), Dieu n'a rien laissé qui ne lui fût soumis. Cependant, nous ne voyons pas encore maintenant que toutes choses lui soient soumises (à l’homme). Mais Celui qui a été abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges (Jésus), nous le voyons couronné de gloire et d'honneur à cause de la mort qu'Il a soufferte, afin que, par la grâce de Dieu, Il souffrît la mort pour tous. Il convenait, en effet, que Celui pour qui et par qui sont toutes choses, et qui voulait conduire à la gloire beaucoup de fils, élevât à la perfection par les souffrances le Prince de leur salut (le Christ).
Ce qui nous est dit ici en substance, c’est que la vocation de l’homme est de régner sur l’ensemble de la création. Il est dit en effet dans la Genèse que, lorsque Dieu créa Adam et Ève, Il les bénit et leur dit : « Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre » (Gen. 1,28). Il faut bien comprendre ici le sens du mot dominer : Dominez la terre, non pas pour l’exploiter, mais pour la cultiver, l’élever, et offrir les fruits à Dieu en action de grâce, comme nous le disons dans la prière eucharistique : « Ce qui est à Toi, et qui vient de Toi, nous te l’offrons en tout et pour tout ». Mais Adam et Ève sont tombés et n’ont pas accompli cette vocation. Celui qui l’accomplit, c’est le Christ, le Fils de Dieu qui, en se faisant Fils de l’homme, s’est abaissé un peu au-dessous des anges. Et par sa mort pour nous, Il s’est fait le Prince de notre salut, pour nous rendre notre vocation à nous élever au-dessus des anges et à régner avec Lui.
Tout cela est une manière d’affirmer le dogme de l’incarnation : dans le Christ, Dieu se fait notre frère en partageant notre condition humaine. C’est ce qui va être confirmé dans la suite du chapitre 2 :
Car Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous issus d'un seul. C'est pourquoi Il n'a pas honte de les appeler frères, lorsqu'Il dit : « J'annoncerai ton nom à mes frères, Je te louerai au milieu de l'assemblée » (Ps. 21,23). Et encore : Je me confierai en toi. Et encore : « Me voici, Moi et les enfants que Dieu m'a donnés » (Is. 8,18).
Ainsi donc, puisque les enfants participent au sang et à la chair, Il y a également participé Lui-même, afin que, par la mort, Il anéantît celui qui a la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable, et qu'Il délivrât tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie retenus dans la servitude. Car assurément ce n'est pas à des anges qu'Il vient en aide, mais c'est à la postérité d'Abraham.
En conséquence, Il a dû être rendu semblable en toutes choses à ses frères, afin qu'il fût un Grand-Prêtre miséricordieux et fidèle dans le service de Dieu, pour faire l'expiation des péchés du peuple ; car, ayant été tenté Lui-même dans ce qu'Il a souffert, Il peut secourir ceux qui sont tentés.
Cette dernière phrase est importante : Il a été tenté Lui-même en tant qu’homme, sans succomber à la tentation, et c’est pour cela qu’Il peut secourir ceux qui sont tentés, c’est-à-dire nous les hommes.
Remarque : Le thème du Grand Prêtre, qui sera abondamment développé dans la suite, est introduit ici. Grand Prêtre dont le rôle est de délivrer les hommes de leurs péchés. C’est parce qu’Il s’est fait homme qu’Il peut prendre sur Lui nos péchés, Et c’est parce qu’Il est Dieu qu’Il peut nous en libérer.
Dans les 6 premiers versets du chapitre 3, il est question de la gloire du Christ supérieure à celle de Moïse, car Moïse, dit l’épitre, est le serviteur de la maison de Dieu, mais c’est le Christ (en résumant un peu) qui en est l’architecte et le constructeur.
Et sa maison, c'est nous, pourvu que nous retenions jusqu'à la fin la ferme confiance et l'espérance dont nous nous glorifions.
Cette assertion nous introduit à un passage un peu difficile, mais instructif comme exemple de lecture chrétienne de l’Ancien Testament et des psaumes, qui sont parfois difficiles à comprendre si on n’a pas les clés. Le sujet est ici l’entrée dans le repos de Dieu.
C'est pourquoi, selon ce que dit le Saint-Esprit :
J’ai déjà parlé de cette une mention du Saint-Esprit. L’auteur de l’épitre cite alors le psaume 94 :
« Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs, comme lorsque vous m'avez rempli d'amertume, au jour de la tentation dans le désert. Là vos pères m'ont tenté, ils me mirent à l'épreuve, et ils virent mes actions. Pendant quarante ans, cette génération m'a affligé, et J'ai dit : "Leur cœur ne cesse de s'égarer, et ils n'ont pas connu mes voies". Alors J'ai juré dans ma colère : "Jamais ils n'entreront dans mon repos" » (Ps. 94,8-11).
Ce psaume, qui fait allusion au séjour du peuple hébreu dans le désert du Sinaï pendant quarante ans après la sortie d’Égypte, est cité comme une mise en garde, pour que nous ne soyons pas désobéissants comme ceux qui ont péché en tentant Dieu, et qui pour cette raison ne sont pas entrés en Terre promise. En effet, la génération qui est sortie d’Égypte n’est pas entrée dans la Terre promise, mais seulement la génération suivante (cf. Nomb. 14,22-23 et Deut. 1,34-35) :
Prenez garde, frères, que quelqu'un de vous n'ait un cœur mauvais et incrédule, au point de se détourner du Dieu vivant.
Car, en même temps, c’est à nous que ce repos de Dieu est promis :
Craignons donc, tandis que la promesse d'entrer dans son repos subsiste encore, que quelqu’un d’entre vous n’en soit privé.
Car cette bonne nouvelle nous a été annoncée aussi bien qu'à eux. (…)
Ainsi, puisqu'il est encore réservé à quelques-uns d'y entrer, et que ceux à qui d'abord la promesse a été faite n'y sont pas entrés à cause de leur désobéissance, Dieu fixe de nouveau un jour - aujourd'hui - en disant dans David si longtemps après, comme il est dit plus haut : « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs ». Car, si Josué leur eût donné le repos, il ne parlerait pas après cela d'un autre jour. Il y a donc un repos de sabbat réservé au peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses œuvres, comme Dieu s'est reposé des siennes.
On voit dans ce passage toute la richesse de cette notion de repos. Il s’agit d’abord du commandement de Dieu d’observer le repos du Sabbat (cf. Ex. 20,11 et 31,17), car Dieu s’est reposé le septième jour de toutes ses œuvres qu’Il avait faites pendant les six jours de la création (cf. Gen. 2,2). Ensuite, la terre que Dieu a promise après la sortie d’Égypte est vue aussi comme une promesse d’entrée dans le repos de Dieu. Et cette Terre promise est à son tour une préfigure du Royaume de Dieu dans lequel nous sommes invités à entrer.
Et comme d’habitude, l’exposé théologique se termine par une exhortation :
Efforçons-nous donc d'entrer dans ce repos, afin que personne ne tombe en donnant le même exemple de désobéissance. Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu'une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu'à partager âme et esprit, jointures et moelles ; elle juge les sentiments et les pensées du cœur. Nulle créature n'est cachée devant Lui, mais tout est à nu et à découvert aux yeux de Celui à qui nous devons rendre compte.
Voilà l’essentiel de ce que je voulais vous dire aujourd’hui. Dans la suite de l’épitre, qui est loin d’être terminée, il y a encore deux grands thèmes importants et qui mériteraient d’être traités à part. Je me contenterai ici d’en donner un bref aperçu.
Le thème du Christ Grand-Prêtre, qui occupe près de la moitié de l’épitre et en fait l’originalité, développe l’aspect sacerdotal du mystère du Christ. Il s’agit de montrer que les ordonnances relatives au culte de l’Ancienne Alliance, avec les sacrifices d’animaux et le rôle du grand-prêtre officiant dans le Temple de Jérusalem, n’étaient qu’une figure de ce que le Christ devait accomplir pour notre salut.
Je n’entre pas aujourd’hui dans les détails, car c’est un sujet à part entière. Mais en tout cas, le procédé est toujours le même : relire ce qui est dit dans l’Ancien-Testament comme préfigure de ce qui devait s’accomplir avec le Christ. À titre de résumé, retenons seulement ces quelques versets du chapitre 9, qui sont lus plusieurs fois dans l’année liturgique à l’occasion de certaines fêtes (notamment l’Entrée au Temple de la Mère de Dieu) :
La première alliance avait des ordonnances relatives au culte et au sanctuaire terrestre (le Temple de Jérusalem). (…) On y présentait des offrandes et des sacrifices qui ne peuvent rendre parfait sous le rapport de la conscience celui qui rend ce culte. C'est une figure pour le temps actuel.
Mais le Christ est venu comme Grand-Prêtre des biens à venir ; Il a traversé le tabernacle plus grand et plus parfait, qui n'est pas construit de main d'homme, c'est-à-dire, qui n'est pas de cette création ; et Il est entré une fois pour toutes dans le Lieu très saint (le Ciel), non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec son propre sang, ayant obtenu une rédemption éternelle.
Je termine en évoquant brièvement le thème qui est développé de manière édifiante dans le chapitre 11, qui est lu aussi à l’occasion de certaines fêtes : celui de la foi comme certitude de l’invisible :
La foi est une ferme assurance des choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit pas.
Ou, selon une autre traduction :
La foi est une manière de posséder déjà ce que l'on espère, un moyen de connaître des réalités qu'on ne voit pas.
Et cette foi est incarnée par des personnes concrètes :
Pour l'avoir possédée, les anciens ont obtenu un témoignage favorable.
L’épitre continue alors en citant Abel, Noé, Abraham, Moïse…, et tous les justes qui par la foi ont accepté de supporter toutes sortes d’épreuves et de mauvais traitements, ayant en vue la réalisation des promesses divines. Car la foi est une manière de voir et de connaître des réalités qui restent inaccessibles à nos sens.
Et le chapitre conclut ainsi :
C'est dans la foi qu'ils sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises ; mais ils les ont vues et saluées de loin. (…)
Tous ceux-là, à la foi desquels il a été rendu témoignage, n'ont pas obtenu ce qui leur était promis, Dieu ayant en vue quelque chose de meilleur pour nous, afin qu'ils ne parviennent pas sans nous à la perfection.
Des chapitres 12 et 13 qui terminent l’épitre, je retiendrai ces deux versets du chapitre 12, qui peuvent servir de conclusion :
Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d'une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous entrave (ou nous assiège), et courons avec endurance l'épreuve qui nous est proposée (littéralement : courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte), ayant les regards fixés sur Celui qui est à l’origine de la foi et qui la mène à son accomplissement, Jésus, Lui qui, en vue de la joie qui lui était réservée, a enduré la croix, au mépris de la honte, et s'est assis à la droite du trône de Dieu.
« Ayant les regards fixés sur Jésus » : ces quelques mots peuvent être retenus comme idée maîtresse de cette catéchèse. L’important, dans tout ce que nous faisons, est en effet d’avoir le Christ comme référence ultime.
Et, lorsque vous prierez les psaumes, pensez à les lire à la manière de l’épitre aux Hébreux, afin d’y reconnaître ce qui concerne le Christ.