METZ
PAROISSE ORTHODOXE DES TROIS SAINTS HIERARQUES
Basile-le-Grand, Grégoire-le-Théologien et Jean-Chrysostome
православная церковь русской традиции
Je crois en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, engendré par le Père avant tous les siècles. Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, et par qui tout a été fait. Qui pour nous, hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux, s'est incarné du Saint-Esprit et de la vierge Marie, et s'est fait homme. Qui a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli. Qui est ressuscité le troisième jour selon les Écritures. Qui est monté aux cieux et siège à la droite du Père. Qui revient en gloire juger les vivants et les morts, et dont le règne n'aura pas de fin.
Et en l'Esprit Saint, Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est adoré et glorifié, qui a parlé par les prophètes.
En l'Église une, sainte, catholique et apostolique.
Je confesse un seul baptême pour la rémission des péchés.
J'attends la résurrection des morts, et la vie du siècle à venir. Amen.
Πιστεύω εἰς ἕνα Θεόν, Πατέρα, Παντοκράτορα, ποιητὴν οὐρανοῦ καὶ γῆς, ὁρατῶν τε πάντων καὶ ἀοράτων.
Καὶ εἰς ἕνα Κύριον Ἰησοῦν Χριστόν, τὸν Υἱὸν τοῦ Θεοῦ τὸν μονογενῆ, τὸν ἐκ τοῦ Πατρὸς γεννηθέντα πρὸ πάντων τῶν αἰώνων. φῶς ἐκ φωτός, Θεὸν ἀληθινὸν ἐκ Θεοῦ ἀληθινοῦ, γεννηθέντα οὐ ποιηθέντα, ὁμοούσιον τῷ Πατρί, δι' οὗ τὰ πάντα ἐγένετο. Τὸν δι' ἡμᾶς τοὺς ἀνθρώπους καὶ διὰ τὴν ἡμετέραν σωτηρίαν κατελθόντα ἐκ τῶν οὐρανῶν καὶ σαρκωθέντα ἐκ Πνεύματος Ἁγίου καὶ Μαρίας τῆς Παρθένου καὶ ἐνανθρωπήσαντα. Σταυρωθέντα τε ὑπὲρ ἡμῶν ἐπὶ Ποντίου Πιλάτου, καὶ παθόντα καὶ ταφέντα. Καὶ ἀναστάντα τῇ τρίτῃ ἡμέρα κατὰ τὰς Γραφάς. Καὶ ἀνελθόντα εἰς τοὺς οὐρανοὺς καὶ καθεζόμενον ἐκ δεξιῶν τοῦ Πατρός. Καὶ πάλιν ἐρχόμενον μετὰ δόξης κρῖναι ζῶντας καὶ νεκρούς, οὗ τῆς βασιλείας οὐκ ἔσται τέλος.
Καὶ εἰς τὸ Πνεῦμα τὸ Ἅγιον, τὸ κύριον, τὸ ζωοποιόν, τὸ ἐκ τοῦ Πατρὸς ἐκπορευόμενον, τὸ σὺν Πατρὶ καὶ Υἱῷ συμπροσκυνούμενον καὶ συνδοξαζόμενον, τὸ λαλῆσαν διὰ τῶν προφητῶν.
Εἰς μίαν, Ἁγίαν, Καθολικὴν καὶ Ἀποστολικὴν Ἐκκλησίαν.
Ὁμολογώ ἓν βάπτισμα εἰς ἄφεσιν ἁμαρτιῶν.
Προσδοκώ ἀνάστασιν νεκρῶν. Καὶ ζωὴν τοῦ μέλλοντος αἰῶνος. Ἀμήν.
Верую во единаго Бога Отца, Вседержителя, Творца небу и земли, видимым же всем и невидимым.
И во единаго Господа Иисуса Христа, Сына Божия, Единороднаго, Иже от Отца рожденнаго прежде всех век; Света от Света, Бога истинна от Бога истинна, рожденна, несотворенна, единосущна Отцу, Имже вся быша. Нас ради человек и нашего ради спасения сшедшаго с небес и воплотившагося от Духа Свята и Марии Девы и вочеловечшася. Распятаго же за ны при Понтийстем Пилате, и страдавша, и погребенна. И воскресшаго в третий день по Писанием. И возшедшаго на небеса, и седяща одесную Отца. И паки грядущаго со славою судити живым и мертвым, Егоже Царствию не будет конца.
И в Духа Святаго, Господа, Животворящаго, Иже от Отца исходящего, Иже со Отцем и Сыном спокланяема и сславима, глаголавшаго пророки.
Во едину Святую, Соборную и Апостольскую Церковь.
Исповедую едино крещение во оставление грехов.
Чаю воскресения мертвых, и жизни будущаго века. Аминь.
Cred întru unul Dumnezeu, Tatăl atotțiitorul, Făcătorul cerului și al pământului, al tuturor celor văzute și nevăzute.
Și întru unul Domn Iisus Hristos, Fiul lui Dumnezeu, Unul Născut, Care din Tatăl S-a născut mai înainte de toți vecii: Lumină din lumină, Dumnezeu adevărat din Dumnezeu adevărat, născut, iar nu făcut, Cel de o ființă cu Tatăl, prin Care toate s-au făcut. Care pentru noi oamenii și pentru a noastră mântuire S-a pogorât din ceruri și S-a întrupat de la Duhul Sfânt și din Maria Fecioara și S-a făcut om. Și S-a răstignit pentru noi în zilele lui Ponțiu Pilat și a pătimit și S-a îngropat. Și a înviat a treia zi, după Scripturi. Și S-a înălțat la ceruri și șade de-a dreapta Tatălui. Și iarăși va să vină cu slavă, să judece viii si morții, a Căruia împărăție nu va avea sfârșit.
Și întru Duhul Sfânt, Domnul de viață făcătorul, Care din Tatăl purcede, Cel ce împreună cu Tatăl și cu Fiul este închinat și mărit, Care a grăit prin prooroci.
Și întru una, sfântă, sobornicească și apostolească Biserică.
Mărturisesc un Botez, întru iertarea păcatelor.
Aștept învierea morților. Și viața veacului, ce va să fie. Amin.
Il existe déjà d’excellentes catéchèses sur le Symbole de foi orthodoxe. Je ne prétends pas faire preuve d’originalité, je m’appuierai principalement sur deux ouvrages : l’un publié en 1987 par l’équipe de Catéchèse orthodoxe, pilotée par le regretté père Cyrille Argenti, Catéchèse orthodoxe : Le crédo de Nicée-Constantinople. Cerf. 1987. l’autre qui réunit des prédications radiodiffusées vingt ans plus tôt en direction des auditeurs d’Union Soviétique, et traduites plus tard du russe, du non moins regretté père Alexandre Schmemann. Alexandre Schmemann : Le Symbole de la foi, dans Vous tous qui avez soif. YMCA Press. 2005.
Nota. Les passages empruntés directement au père Schmemann, avec son style caractéristique, son langage franc est sans concession aux idées reçues, seront signalés au cours de l’exposé.
Le Paterikon égyptien nous conte l’histoire du saint abba Agathon qui a vécu au IVe siècle. Un jour quelques moines vinrent le trouver, ayant entendu parler de son grand discernement. Voulant voir s’il perdrait son calme, ils l’apostrophèrent ainsi : « N’es-tu pas cet Agathon qu’on dit n’être qu’un fornicateur et un orgueilleux ? » « Hélas oui, c’est bien vrai », répondit-il. Ils reprirent : « N’es-tu pas cet Agathon qui n’arrête pas de dire des bêtises ? » « Oui, c’est moi ». Alors ils insistèrent : « N’es-tu pas Agathon l’hérétique ? » Mais à ça il répondit : « Je ne suis pas un hérétique ». Alors ils lui demandèrent : « Dis-nous pourquoi tu as accepté toutes nos invectives, mais que tu as rejeté cette dernière insulte ». Il répondit : « Les premières accusations, je les ai prises pour moi, car c’est bon pour mon âme. Mais l’hérésie, c’est être séparé de Dieu. Je n’ai aucune envie d’être séparé de Dieu ». Cette parole les surprit, ils comprirent son discernement, et ils s’en retournèrent édifiés.
Cet apophtegme nous montre l’importance d’une confession juste de la foi pour notre salut. C’est pourquoi les saints pères ont luté vigoureusement contre les hérésies et, au prix d’un grand labeur, ont posé les bornes de la foi orthodoxe, la foi qui sauve.
En fait, nous devons marcher sur deux jambes : les œuvres justes (pour le corps) et la vérité de la foi (pour l’âme). Comme le dit saint Irénée (IIe siècle) : « Puisque l'homme est composé d'une âme et d'un corps, c'est par ces deux éléments (qu’il est conduit à la vie éternelle). Et, parce que des deux découlent des chutes, il y a et une pureté du corps, continence qui s'abstient de toutes choses honteuses et de tous actes injustes, et une pureté de l'âme, qui consiste à garder intacte la foi en Dieu sans y ajouter ni y retrancher. Car la piété se ternit et se flétrit en se contaminant par l'impureté du corps, et elle se brise et se souille et n'est plus intacte quand l'erreur entre dans l'âme. Car que sert de connaître le vrai en paroles tout en souillant son corps et en accomplissant les œuvres du mal ? Ou quelle utilité peut donc présenter la pureté du corps, quand la vérité n'est pas dans l'âme ? ». Irénée de Lyon : Démonstration de la prédication apostolique. Sources chrétiennes n° 62. Cerf. 1971.
Dès le IIe siècle de notre ère, il a existé d'assez nombreux Symboles ou formulations brèves de la foi chrétienne, liés surtout à la préparation des catéchumènes, et que les nouveaux baptisés devaient prononcer le jour de leur baptême. Dans l'Antiquité, on baptisait surtout des adultes.
Ces symboles pouvaient varier légèrement d’une église locale à l’autre, mais leurs contenus étaient très proches. Ils étaient généralement formulés à peu près comme ceci : « Je crois en un seul Dieu, Père tout puissant, qui a fait le ciel et la terre… Et en Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui s’est incarné pour notre salut… Et en l’Esprit-Saint… ». La base était toujours trinitaire, conformément au commandement du Seigneur : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Matth. 29,19).
Le symbole « de Nicée-Constantinople », que nous récitons dans l’Église orthodoxe aux baptêmes et à toutes les Liturgies (et dans les prières de chaque jour), a été élaboré au 1er Concile œcuménique (Nicée, 325), et complété au 2e Concile œcuménique (Constantinople, 381), pour répondre à la nécessité de définir l'enseignement orthodoxe en face de certaines doctrines hérétiques (qui niaient la divinité du Christ ou du Saint-Esprit). Saint Athanase d’Alexandrie, saint Basile-le-Grand et saint Grégoire-le-Théologien, au cours d’un IVe siècle particulièrement troublé, ont particulièrement contribué à la formulation orthodoxe de ce symbole de foi. Il a été confirmé lors des Conciles ultérieurs. Il est devenu commun à toute l'Église et déclaré intangible au Concile de Chalcédoine (451).
Le mot symbole signifie ce qui tient ensemble, réunit, contient. Le symbole de la foi contient toutes les vérités que l’Église croit indispensables à l’homme pour son salut et la plénitude de la vie. On l’appelle aussi Crédo, car il commence par les mots : « Je crois ».
Tous les éléments de ce symbole sont tirés de la Bible. Ils forment comme un résumé de la Bible et comme des points de repère pour comprendre la Bible. C’est un résumé en peu de mots, mais chaque mot est comme une porte qui ouvre sur le mystère.
« Dieu, personne ne l'a jamais vu » (Jean 1,18). Les mots « Je crois » (Верую, Cred, Πιστεύω) signifient que les vérités que nous confessons ne sont pas des choses qui s’imposent à nous de manière naturelle, que nous pouvons voir de nos yeux ou que nous pouvons déduire par nos raisonnements. Mais elles correspondent pourtant à quelque chose de réel. Ce sont des mystères que Dieu a bien voulu nous révéler, et nous y accédons par la foi. La foi est l'approche du mystère, une vision d'une autre dimension ; elle nous rend accessibles les réalités spirituelles, inaccessibles par les sens ou par la raison. Lorsque ces vérités sont fermement enracinées dans notre cœur, elles sont comme des lumières pour notre intelligence et des points d’appui pour notre conduite.
Selon l'affirmation de l'apôtre Paul, « La foi est la possession de ce qu’on espère, la certitude de ce qu’on ne voit pas » (Hébr. 11,1). On remarquera l’usage de termes antinomiques, pour bien signifier que la foi est d’une autre nature. Par la foi, notre regard ne s’arrête pas à ce qui est visible, mais pénètre au-delà. La création elle-même témoigne de ce qui est au-dessus d'elle, de ce qui est en elle et qui, en même temps, se distingue d'elle. La foi voit, reconnaît, ressent dans le monde la présence agissante de Dieu : « Par la foi, nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu, en sorte que le monde visible tire son origine de ce qui est invisible » (Hébr. 11,3).
Les choses invisibles sont donc plus importantes que les visibles : « C’est pourquoi nous regardons, non pas aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont passagères, mais les invisibles sont éternelles » (2 Cor. 4,18).
C’est la foi qui a guidé les grands personnages de la Bible, comme l’Apôtre le montre bien au chapitre 11 de l’épitre aux Hébreux. Par exemple : « C'est par la foi que Moïse quitta l'Egypte, sans être effrayé de la colère du pharaon ; il se montra ferme, comme voyant celui qui est invisible » (Hébr. 11,27). « Abraham a vu mon jour, et il s'est réjoui » (Jean 8,56).
Le monde profane, qui prétend se passer de Dieu, est rempli de multiples faux dieux, d’idoles. Le pire, peut-être, est de faire de soi-même une idole. Quant à nous, les chrétiens, nous ne servons aucune idole : nous adorons et nous prions un seul Dieu. Comme les juifs et les musulmans, nous sommes monothéistes. Nous connaissons le Dieu Vivant et personnel, qui s'est d’abord révélé au peuple juif en se faisant connaître par les manifestations et les alliances dont l'Écriture (l’Ancien Testament) nous a transmis le récit. Il a révélé son Nom à Moïse au buisson ardent : « Je Suis Celui qui Suis » (YHWH, cf. Ex. 3, 14).
Par la Révélation chrétienne (dont témoigne le Nouveau Testament), nous avons reçu la plénitude de la connaissance, et nous avons appris à confesser ce Dieu unique en trois Personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Trinité consubstantielle et indivisible.
Ce faisant, nous ne divisons pas le Dieu Unique ; nous ne disons pas trois Dieux. Nous disons : le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu. Les Trois sont Un Seul Dieu : unique Essence en trois Personnes. Dieu n'est pas non plus la somme des trois Personnes divines. Dieu est Un et Trois à la fois. En Dieu, Unité et Trinité sont inséparables.
Le mystère de l'Unité-Trinité en Dieu est insondable, inexprimable, incompréhensible pour la raison humaine : nous n'avons pas la prétention de l'expliquer. Nous adorons le Dieu trois fois Saint et le chantons avec les séraphins : « Saint, Saint, Saint, Seigneur Sabaoth, le ciel et la terre sont emplis de ta gloire » (Is. 6,3).
Dieu unique : cela signifie une transcendance absolue de la divinité, sa primauté sur le monde, une expérience de Dieu comme Être suprême, inaccessible. Le nommer Père, c’est d’abord affirmer que c’est de Lui (et de Lui seul) que nous tirons notre origine. Cela revient aussi à souligner son lien avec le monde, un lien dont l'essence est l'amour, la proximité, le souci de l'autre. Un Père donne la vie et n’abandonne pas sa créature. Il nous aime, Il veut notre bonheur et Il prend soin de nous.
En désignant Dieu comme Père, nous exprimons également notre amour envers Lui, notre confiance, notre obéissance filiale.
Le Symbole de la foi confesse ensuite Dieu comme Tout-puissant (pantocrator, Вседержителя, atotțiitorul), ce qui signifie : maître de toutes choses, qui règne sur toutes choses. Autrement dit, nous croyons que dans ce monde tout lui appartient, tout vient de Lui, tout vit par Lui.
Enfin, le Symbole de la foi confesse Dieu comme Créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles. Avant d’être créé, le monde n’existait pas. Il a été créé, tiré du néant. Sa source est en Dieu. Il n'est pas apparu de lui-même, il n'est pas une combinaison fortuite de particules élémentaires, ni une absurdité. Il a été fait d'une manière sensée, il a un commencement et une finalité. Toutes les forces, toutes les lois, tout ce qui vit dans ce monde et le monde lui-même, le ciel et la terre, tout ce qui est visible et invisible viennent de Dieu, mais ne s'identifient pas à Dieu. À la différence de ses créatures, Dieu est incréé et éternel.
Dans les mots ciel et choses invisibles, nous comprenons le monde des anges, des esprits incorporels.
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gen. 1,1). « Et Dieu vit que cela était bon… ». Le monde reflète la sagesse divine, Sa beauté, Sa vérité.
« Par la Parole (le Verbe) du Seigneur les cieux ont été fondés, et par le Souffle (l'Esprit) de sa bouche, toute leur puissance » (Ps. 32,6).
« Bienheureux celui qui a son espoir dans le Seigneur son Dieu, qui a fait le ciel et la terre, la mer, et tout ce qu'ils renferment, qui garde la vérité pour les siècles » (Ps. 145,5-6).
(Les trois premiers paragraphes sont empruntés au père Alexandre Schmemann.)
Le titre de Seigneur, en grec Kyrios (Господа, Domn, Κύριον), désignait, à l'époque de l'apparition du christianisme, un chef doté d'un pouvoir d'origine divine, envoyé par Dieu pour diriger le monde en son nom. Les empereurs romains se sont attribué ce titre pour souligner l'origine divine de leur pouvoir. Mais c'est justement ce titre que les chrétiens ne voulaient pas reconnaître à l'empereur, même sous la menace de persécution et de mort : ils proclamaient qu'il n'y avait au monde qu'un seul Seigneur, un seul détenteur du pouvoir divin, et que ce Seigneur était Jésus-Christ. C'est pour cette raison que l'Empire romain a persécuté les chrétiens durant deux cents ans.
Je crois en un seul Seigneur Jésus-Christ. Le christianisme se distingue des autres religions monothéistes, par le fait que sa foi en un Dieu unique est tournée vers le Christ, vers cet homme nommé Jésus, car il est le seul sauveur (Jésus signifie Dieu sauve). L’Ange dit à Joseph : « C’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Matth. 1,21). On sait qu'il vécut en Palestine, il y a deux mille ans. Sa vie, sa venue au monde, son enseignement, sa mort sont décrits dans un livre, l'Évangile, ce qui signifie la Bonne Nouvelle, rédigé par quatre évangélistes : Matthieu, Marc, Luc et Jean.
Ce Jésus est le Christ. Jésus est un nom d'homme assez répandu à l'époque en Palestine, Christ (Messie en hébreu) est un titre qui signifie « celui qui est Oint ». Les prophètes de l'Ancien Testament, annonçaient que Dieu enverrait dans le monde un Messie, l'Oint de Dieu, comme les rois et les prophètes qui étaient oints d'huile, symbole de la force divine. L'attente de ce Messie avait atteint son apogée à l'époque décrite par les Évangiles. Celui que l'on attendait, pour lequel on priait, est finalement venu. L'Homme Jésus est le Christ. C'est là le début de la foi chrétienne.
Dans les Psaumes, le roi David est appelé christ, car il a reçu l’onction ; il est à la fois ancêtre et préfigure du Christ.
« Jésus fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et aussitôt, remontant de l'eau, Il vit les cieux se déchirer et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur Lui, et une voix vint des cieux : Tu es mon Fils bien-aimé, en Toi J’ai mis toute ma bienveillance » (Mc 1,9-11). Le Christ est donc Dieu : c'est Dieu Lui-même qui nous révèle ce mystère. Jésus est le Fils de Dieu, non dans le sens où tous les hommes créés par Dieu peuvent être appelés enfants de Dieu, mais dans le sens spécifique, exclusif de Fils unique de Dieu, non créé, engendré par le Père avant tous les siècles, consubstantiel au Père.
Le mot consubstantiel (ὁμοούσιον, единосущна, Cel de o ființă cu Tatăl), introduit par saint Athanase d’Alexandrie contre l’hérésie d’Arius qui niait la divinité du Christ, signifie : de même nature que le Père, un seul être avec le Père. « Père ! » dit le Christ, la nuit de la trahison, « que tous soient un, comme Toi Tu es en Moi et Moi en Toi, qu'eux aussi soient un en Nous, afin que le monde croie que Tu m'as envoyé » (Jn 17,21).
Ce mystère est clairement affirmé par les apôtres : « Nul n’a jamais vu Dieu, le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a fait connaître » (Jean 1,18). « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. En Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes » (Jean 1,1-4). « En Lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité » (Col. 2,9).
Il était déjà annoncé par les prophètes : « Le Seigneur m'a dit : Toi, Tu es mon Fils, Moi, aujourd'hui, Je t'ai engendré » (Ps. 2,7). « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite… De mon sein Je t'ai engendré avant l'étoile du matin » (Ps. 109,1-3).
C’est par Lui et en Lui que tout a été créé : « Toutes choses ont été faites par Lui, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Lui » (Jean 1,1-4). « Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en Lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités (tout le monde angélique). Tout a été créé par Lui et pour Lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en Lui » (Col. 1,15-17).
Dans cette foi, Dieu cesse d'être une idée abstraite. « Dieu est Amour » (1 Jean 4,8-16). Dieu n'est pas solitude, Il n’est pas un Je éternel sans un Tu éternel. Il se révèle comme le Père de son Fils unique, Il est l'Amour éternel pour son Fils, don éternel de Lui-même : « Le Père aime le Fils, dit le Christ, et Il a remis toutes choses entre ses mains » (Jean 3,5). De même le Fils est Amour, obéissance, don éternel. « Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean 3,16).
(Cette partie est empruntée au père Alexandre Schmemann.)
Il est important de nous arrêter sur le mot salut. Le salut implique l'idée de détresse. Ce n'est pas une consolation ou des paroles rassurantes qu'attend un homme qui se noie, ou celui dont la maison est en feu. De même, celui qui est en train de tomber dans un précipice, demande à être sauvé.
Il y a salut parce qu'il y a chute. Beaucoup voudraient neutraliser le christianisme, en faire un appendice à la vie, une bonne vielle coutume. Mais de même qu'il impossible d'ôter la croix de l'Évangile, on ne peut pas faire disparaître la corrélation qui existe entre la chute et le salut. On peut dire que toute rencontre authentique avec le Christ me fait découvrir les ténèbres, le désastre et l'absurdité de ma vie. Lorsque je vois le Christ, je comprends que cette existence dont je vis n'est pas la vraie vie, mais qu'elle est imprégnée de cette détresse et condamnée à sa perte. Ma foi en Christ commence à partir du moment où je reconnais, d'une façon mystérieuse, inexplicable et en même temps parfaitement évidente, que c'est seulement par Lui et en Lui, le Christ, que je trouverai mon salut, celui de mes proches, et de toute la création.
(Les trois premiers paragraphes sont empruntés au père Alexandre Schmemann.)
Pour tous ceux qui se trouvent à l'extérieur du christianisme, cette naissance du Christ d'une Vierge représente véritablement la pierre d'achoppement. Il est évident que la foi en la venue du Christ né d'une Vierge, proclamée par les évangiles, pose la question du rôle de la raison.
Notons que notre foi et l'Église n'affirment pas qu'il est possible que des enfants naissent sans père, d'une vierge. Elles attestent seulement que cet événement inouï, sans précédent, a pu avoir lieu, uniquement lorsque vint sur terre, sous forme humaine, Dieu Lui-même ! La croyance en la virginité de Marie, la Mère de Jésus, la Mère de Dieu, comme la désigne l'Église, ne dépend pas du fait que cela soit possible ou impossible. L'Église elle-même rappelle ceci dans une de ses prières : « la maternité n'est pas compatible avec la virginité, et la virginité est exempte de maternité ». Cette croyance dépend uniquement de notre certitude que le Christ est le Dieu venu sur terre « pour nous hommes et pour notre salut ». Si nous l'admettons, alors devient compréhensible (non pas à notre raison, mais à un niveau plus profond de notre conscience) le mystère de cette naissance virginale.
Dans ce mystère, nous reconnaissons le Christ comme vrai Dieu et vrai Homme : Dieu devenu homme et homme déifié. Il n'est pas en notre pouvoir de faire descendre Dieu sur terre ni de faire en sorte qu'Il s'incarne. Dieu seul, et non pas une quelconque loi terrestre, fut la cause de son incarnation. Le Christ est le Fils de Dieu, mais son humanité (sa chair et son sang), Il la reçoit de la Vierge Marie, qui par la grâce de l'Esprit Divin, par sa force créatrice et son amour, lui permit de devenir Mère. Une décision libre de Dieu qui crée un homme nouveau, et une acceptation libre de ce don par l'homme, voilà le sens de notre foi emplie d'allégresse. Dieu descend du ciel pour que l'homme puisse y monter. Par Jésus-Christ, nous sommes les enfants de Dieu ; par Marie, le Christ est avec nous et en nous.
« L'ange dit à Marie : Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu » (Luc 1,35).
« Et le Verbe s'est fait chair, et Il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, Il tient du Père » (Jean 1,14).
« Tout cela arriva afin que s’accomplit ce que le Seigneur avait annoncé par son prophète : Voici, la Vierge deviendra enceinte, elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel, ce qui signifie Dieu est avec nous » (Matth. 1, 22-23 citant Is. 7,14).
« Le Christ, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais Il s’est dépouillé, prenant la condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes » (Phil. 2,6-7).
« Ta Nativité, ô Christ notre Dieu, a fait resplendir dans le monde la lumière de la connaissance. En elle les adorateurs des astres ont appris d'une étoile à T'adorer, Toi, Soleil de justice, et à Te connaître, Orient venu d'en haut. Seigneur, gloire à Toi » (tropaire de la Nativité).
« La Vierge aujourd'hui enfante Celui qui surpasse tous les êtres, et la terre offre une grotte à l'Inaccessible. Les anges le glorifient avec les bergers et les mages font route avec l'étoile, car Il est né petit Enfant, pour nous, le Dieu d'avant les siècles » (kondakion de la Nativité).
« Au commencement était le Verbe, le Verbe était Dieu… et le Verbe s'est fait chair, et Il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient du Père en tant que Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jean 1,1-14).
Cette révélation est la pierre d’angle de tout l’édifice de la foi chrétienne. S’il fallait encore résumer le contenu de notre foi, nous retiendrions ces deux mystères, qui sont d’ailleurs les seuls à être dogmatisés dans l’Église orthodoxe :
- le mystère de la Trinité (tri-unité) : le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu en trois Personnes ;
- le mystère de l’Incarnation (ou de l’union des deux natures en Christ) : Dieu le Fils, l’Un de la Trinité, s’est fait homme pour notre Salut. Jésus-Christ est à la fois vrai Dieu et vrai homme, Il est notre Dieu partageant notre humanité.
Saint Irénée, par exemple, donne comme fondement de l'édifice donnant fermeté à notre conduite, cette règle de foi : Irénée de Lyon : Démonstration de la prédication apostolique. Sources chrétiennes n° 62. Cerf. 1971.
Article premier : Dieu Père, incréé, qui n'est pas contenu, invisible, un Dieu, le créateur de l'univers ; tel est le tout de notre foi.
Article deuxième : Le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, le Christ Jésus Nôtre-Seigneur, qui est apparu aux prophètes selon le genre de leur prophétie et selon l'état des économies du Père ; par qui toute chose a été faite ; qui, en outre, à la fin des temps, pour récapituler toute chose, s'est fait homme parmi les hommes, visible et palpable, pour détruire la mort, faire apparaître la vie et opérer une communion de Dieu et d'homme.
Et article troisième : Le Saint-Esprit par lequel les prophètes ont prophétisé et les Pères ont appris ce qui concerne Dieu et les justes ont été guidés dans la voie de la justice et qui, à la fin des temps, a été répandu d'une manière nouvelle sur notre humanité pour renouveler l'homme sur toute la terre en vue de Dieu.
On voit que, pour saint Irénée, le salut n’est autre que la communion avec Dieu, déjà réalisée dans l’Incarnation, et confirmée par le don du Saint-Esprit. En descendant des cieux, Dieu nous a ouvert les cieux.
« Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » : cette formule de saint Athanase d’Alexandrie, en accord avec saint Irénée et tous les pères, exprime toute la portée du mystère de l’Incarnation. L’humanité, déjà déifiée dans la Personne du Christ, est destinée à être déifiée dans chaque personne humaine, par participation à la nature divine, selon une expression se saint Pierre (2 Pi. 1,4).
On remarquera que saint Irénée n’éprouve même pas le besoin de mentionner la Résurrection dans sa règle de foi. C’est par l’Incarnation que se réalise l’économie du Salut. Mais bien sûr, l’Incarnation va jusqu’à la Croix et la Résurrection, et même au-delà. C’est ce que nous allons voir dans la suite du symbole de Nicée-Constantinople.
(Cette partie est empruntée au père Alexandre Schmemann.)
Jésus a donc été crucifié ! Pourtant, tout son ministère, son enseignement, sont une incarnation constante d'amour, de bonté, de compassion, de miséricorde. Des foules entières le suivent. Mais où a disparu cette foule lorsque le Christ se trouve devant le grand prêtre, puis devant Pilate, quand on le cloue sur la croix ? D'où vient cette haine envers Lui qui croît progressivement, et dont l'ultime manifestation retentit pour l'éternité dans ce terrible cri de la foule : « Crucifie, crucifie-Le ! ». C'est en la personne de Jésus que Dieu est venu à nous, s'est uni à nous, nous a ouvert l'accès au Royaume éternel d'amour et de lumière. Mais le monde ne l'a pas reçu : « Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas accueilli... » (Jn 1,11). Pourquoi le Christ a-t-il été rejeté ?
Le Christ est rejeté, haï, et finalement crucifié, non pas pour ses crimes prétendus dont il est accusé de façon calomnieuse. Même Pilate, qui en est témoin, sait qu'il condamne à mort un homme innocent. Les grands prêtres savent aussi que ce ne sont que mensonges et diffamations. Le Christ est crucifié uniquement parce que l'amour, le bien manifestés en Lui, cette lumière éblouissante qui émane de Lui, sont intolérables aux hommes. Intolérables, puisque cette lumière révèle au grand jour le mal dont vivent les hommes tout en essayant de se le dissimuler à eux-mêmes.
Le Christ apparaît comme un témoin de leur mensonge et de leur méchanceté : or tout malfaiteur sait très bien qu'il faut en priorité éliminer le témoin du crime pour garantir la caution solidaire du mal. Oui, des foules suivaient le Christ tant qu'il secourait les gens, les guérissait ou faisait des miracles. Mais ces mêmes foules ont abandonné le Christ. Elles ont senti, par un instinct terrible du mal, que dans cet homme parfait, se trouvait leur propre condamnation ; que par son amour même, par sa perfection, le Christ exigeait d'eux une vie dont ils ne voulaient pas, un amour, une vérité, une perfection qui leur étaient insupportables. Un tel témoin devait être éliminé.
Seulement voilà, dans ce triomphe apparent du mal, c'est en réalité le bien qui est victorieux. Car la victoire du bien commence justement par la révélation du mal en tant que mal. Heure après heure, pas à pas, à travers ce terrible triomphe, s'embrase la lumière de la victoire. Elle retentit dans le repentir du bon larron crucifié (cf. Luc 23,39-43) et dans les paroles du centurion qui commandait le supplice : « Cet homme était véritablement Fils de Dieu ! » (Marc 15,13 ; Jean 27,54). Par sa mort sur la croix, le mal est détruit de l'intérieur, car extérieurement le mal reste toujours le mal. La croix est le début de cette victoire qui verra son accomplissement dans la mort et la résurrection du Crucifié.
(Cette partie est empruntée au père Alexandre Schmemann.)
Pourquoi Pilate (gouverneur romain de l’époque) est-il mentionné ici, et lui seul ? La première réponse est qu’en nommant Pilate, l'Église confirme l'historicité des événements dans lesquels s'inscrit le salut du monde et de l'homme.
Il y a une seconde raison : elle nous est indiquée dans les paroles adressées par Pilate au Christ qui se tient devant Lui. Selon l'évangéliste Jean, le Christ se tait... Pilate lui demande : « Pourquoi ne veux-tu pas me répondre ? Ne sais-tu pas que j'ai le pouvoir de te relâcher et le pouvoir de te crucifier ? » (Jean 19,10). Cela signifie que le destin terrestre de l'homme qui se trouve devant Pilate, sa vie et sa mort dépendent de lui. Il sait parfaitement qu'aucun tort ne peut être imputé à cet homme. À partir de ce moment-là, écrit saint Jean, « Pilate cherche à le relâcher ». Il cherche une occasion de le laisser partir, cependant il ne le fait pas ! Il ne l'a pas relâché, par lâcheté, car il avait peur de la foule ; pour lui, il était plus facile de complaire à cette foule en condamnant à mort un innocent, que de prendre le risque d'une agitation, d'une émeute, d'une dénonciation à Rome... Pilate était libre, et cette liberté fait que son acte devient absolument tragique. Cette mention de Pilate résonne pour chacun de nous comme un rappel de notre liberté. Cette liberté, cette possibilité de choix fait que notre foi elle-même nous jugera. C'est dans cette liberté que chacun de nous décide de son destin éternel.
(Cette partie est largement empruntée au père Alexandre Schmemann.)
Le mot crucifié renvoie d'abord à ceux qui ont crucifié le Christ. Alors qu'en disant a souffert, nous parlons du Christ.
Durant sa vie publique, le Christ a toujours soulagé les gens qui souffraient. Mais en faisant cela, et en nous recommandant de le faire, Il ne dit jamais qu'il est venu épargner le monde de la souffrance. « Dans le monde vous aurez à souffrir », dit-Il (Jean 16,33). Toutes les religions, toutes les philosophies, toutes les idéologies promettent une libération de la souffrance. Seul le christianisme ne promet pas à l'homme une vie sans souffrance.
Dieu a créé l'homme non pas pour les souffrances et les tourments, mais pour la joie et la vie en surabondance. C’est la chute due au péché qui a introduit la souffrance dans le monde. La souffrance est liée à notre état d’hommes déchus. Le Christ, bien que sans péché, s’y est soumis de son plein gré. Il monte à Jérusalem, va vers la souffrance, accepte librement de se livrer à elle.
C’est pour nos péchés qu’Il subit la mort sur la Croix. « Voici l’agneau de Dieu qui prend le péché du monde » (Is. 53,7-12 ; Jean 1,29).
La réponse du Christ à la souffrance n'est pas l'anéantissement du mal, mais la transformation de cette souffrance en victoire sur le mal. La souffrance, le Christ l'a comblée de sa foi, de son amour, de son espérance : Il lui a donné un sens. Il a rendu possible de convertir la souffrance destructrice en une naissance à la vie spirituelle authentique.
(Cette partie est largement empruntée au père Alexandre Schmemann.)
« Le noble Joseph descendit de la croix ton corps très pur, l'enveloppa d'un linceul immaculé et le déposa couvert d'aromates dans un sépulcre neuf » (tropaire du Vendredi Saint, cf. Jean 19,38-42).
Le Symbole de la foi parle non pas de la mort, mais de l'ensevelissement du Christ. Cet ensevelissement, l'Église le renouvelle chaque année au cours de la Grande Semaine Sainte. Après les ténèbres du Vendredi Saint, jour de la crucifixion et de la mort du Christ où toutes les forces du mal se sont abattues sur Lui, lorsqu'on arrive au Samedi, se dresse au milieu de l'église l'épitaphion, c'est-à-dire un tombeau sur lequel est représenté le Christ mort.
« Ô Vie ! Comment peux-tu mourir ? Comment peux-tu te loger dans un tombeau ? ». Voilà la question que nous posons au Christ qui se trouve dans la tombe. Le Christ apporte cette réponse qui résonne dans les merveilleux chants de ce jour : « J'avais deux amis : Adam et Eve. Je suis venu vers eux, mais Je ne les ai pas trouvés sur cette terre que Je leur avais donnée. Comme Je les aimais, Je suis descendu là où ils se trouvaient : dans les ténèbres, l'épouvante et le désespoir de la mort ».
Celui qui est la Vie même, par amour et compassion, descend dans la mort qu'il n'avait pas créée, mais qui s'est emparée du monde. La mort engloutit la vie, mais voilà, avec la mort du Christ, elle se trouve elle-même absorbée par la Vie.
Le Christ avance dans le royaume de la mort, annonçant à ceux qui sont aux Enfers la fin de l'empire des ténèbres. Désormais la mort est vaincue parce qu'elle a été assumée, anéantie par le Christ : « La mort est engloutie par la victoire », s'exclame l'apôtre Paul (1 Cor. 15,54). De la même façon, devant le cercueil de chaque défunt nous chantons : « Transformons les sanglots funèbres en chant d'alléluia ! ».
Chacun de nous doit mourir. Mais en confessant le Symbole de la foi, l'Église affirme que le Christ a transformé la mort en une rencontre avec Lui au seuil de la Résurrection.
« Ô Christ, Toi la Vie, Tu as été déposé dans le tombeau ; par ta mort Tu as détruit la mort et Tu as fait jaillir la vie pour le monde » « Ton tombeau vivifiant, source de notre résurrection, nous est apparu, ô Christ, plus resplendissant que le paradis et plus éclatant en vérité qu'aucune demeure royale » (chants du Samedi Saint).
(Cette partie est largement empruntée au père Alexandre Schmemann.)
« Si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et votre foi aussi est vaine » (1 Cor. 15,14). Ces paroles de l'apôtre Paul demeurent le principe fondateur de la foi chrétienne. La résurrection du Christ constitue le cœur de la Bonne Nouvelle (l’Evangile).
La Résurrection du Christ est conforme aux Ecritures : « Commençant par Moïse et par tous les prophètes, Il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait » (Luc 24,27). « Il leur ouvrit l'esprit afin qu'ils comprissent les Écritures ; et Il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu'Il ressusciterait des morts le troisième jour » (Luc 24,45-46).
Dieu a créé l'homme avec une âme et un corps, autrement dit Il a créé un être à la fois spirituel et matériel. C'est cette réunion de l'esprit, de l'âme et du corps que l'on appelle dans l'Ancien Testament et dans les Évangiles : l'homme.
Malheureusement, dans la conscience des croyants, la foi en la résurrection du Christ et la foi en la résurrection générale se sont pour ainsi dire dissociées. Au sujet du Christ, nous continuons à affirmer qu'Il est ressuscité, mais en ce qui nous concerne nous parlons plutôt de l'immortalité de l'âme, en laquelle, bien avant la venue du Christ, croyaient déjà les Grecs et les Juifs. Mais tout le christianisme est fondé sur la foi, non pas uniquement en l'immortalité de l'âme, mais précisément en la résurrection.
Dieu a créé l'homme avec une âme et un corps, autrement dit Il a créé un être à la fois spirituel et matériel. C'est cette réunion de l'esprit, de l'âme et du corps que l'on appelle dans l'Ancien Testament et dans les Évangiles : l'homme.
Lors de la séparation de l'âme et du corps dans la mort, s'achève ce qui est désigné dans les Écritures par le terme de vie. Mais Dieu n'a pas créé le monde en vue de cette séparation, de cette corruption. L'Évangile proclame, au contraire, que « le dernier ennemi, la mort, sera exterminé ! » (1 Cor. 15,26). La résurrection est la restauration du monde dans sa beauté et dans son intégrité originelles. Selon l'enseignement chrétien orthodoxe, Dieu ne fera pas disparaître le monde, mais Il le transfigurera en un ciel nouveau et une terre nouvelle (cf. Ap. 21,1) où l'homme aura un corps spirituel (1 Cor. 15,44), véritable temple de la présence et de la gloire divines dans la création.
La résurrection inclut non seulement l'âme, mais aussi le corps. Une simple lecture de l'Évangile ne laisse là-dessus aucun doute. À la vue du Christ ressuscité, les apôtres, selon le récit biblique, pensaient voir un fantôme. Aussi la première chose que fit le Christ, fut de leur montrer la réalité de son corps. Il prend donc de la nourriture, mange devant eux. Il enjoint Thomas qui doutait de toucher son corps avec ses doigts pour s'assurer de sa résurrection. Et lorsque les apôtres crurent, c'est alors que la proclamation de la résurrection, de sa réalité, de sa corporalité devint le contenu principal, la force et la joie de leur message.
Chaque année au cours de la nuit pascale, nous répétons : « Où est ton aiguillon, ô mort, où est ta victoire, ô enfer ? Le Christ est ressuscité et il n'y a plus de mort dans les tombeaux ; le Christ est ressuscité et la vie règne ! » (Homélie de saint Jean Chrysostome).
« Le Christ est ressuscité des morts, par la mort Il a terrassé la mort ; à ceux qui sont dans les tombeaux, Il a donné la vie » (tropaire de Pâques).
Un résumé de la foi concernant le Christ, et le salut accompli par Lui, nous est donné dans cette belle hymne, attribuée à l’empereur Justinien (VIe siècle), que nous chantons à toutes les Liturgies :
« Fils unique et Verbe de Dieu, Toi qui es immortel, et qui daignas pour notre salut T'incarner de la Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie, et qui sans changement Te fis homme et fus crucifié, ô Christ Dieu, par la mort ayant vaincu la mort, étant l'Un de la Sainte Trinité, glorifié avec le Père et le Saint-Esprit, sauve-nous. »
(Les trois premiers et le dernier paragraphes sont empruntés au père Alexandre Schmemann.)
Dans le langage de presque tous les peuples, le mot ciel, en plus de son sens naturel et spatial, a une signification symbolique. La Bible s'ouvre sur ces mots : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gen. 1,1). Le ciel, pour les chrétiens, n'est pas un autre monde mais une réalité qui lui est inhérente : il est, en quelque sorte, sa dimension verticale, spirituelle. Pour un croyant ce n'est pas la terre, la matière, qui permet de comprendre le ciel, mais inversement, c’est le ciel qui révèle la terre et ce qui est terrestre, et qui donne un sens à la vie. Selon la foi chrétienne, l'homme créé « à l'image et à la ressemblance divine » est le réceptacle du ciel sur terre.
Mais l'homme, dans sa liberté, peut se détacher de ce qui est céleste en lui, et décider de vivre uniquement de ce qui est terrestre, il peut abaisser son regard, diriger sa vision spirituelle et son cœur vers le bas. C'est cela que le christianisme appelle le péché, la chute. Le christianisme croit et affirme que le Christ est venu précisément nous sauver de cette chute, de cette rupture avec le ciel. Par sa venue dans le monde, par son Incarnation, le Christ nous a de nouveau révélé le ciel sur la terre. En Lui, le ciel est restitué à l'homme dans sa mort comme dans sa vie.
Le Christ est descendu sur terre, jusque dans la mort. L'Ascension est le dernier événement de sa vie terrestre. Ayant tout accompli, ressuscité du tombeau, Il est monté aux cieux, pour siéger dans la gloire à la droite du Père.
Le Christ n'a jamais été séparé du Père. Une prière nous fait connaître ce mystère du Christ éternel, toujours et partout présent : « Dans le tombeau avec ton corps, dans les enfers avec ton âme, en tant que Dieu, au paradis avec le Larron, et sur le trône aussi Tu étais avec le Père et l'Esprit, ô Christ, Toi l'Illimité qui emplis tout ».
Avec le Christ, c’est notre nature humaine qui est élevée auprès du Père, associée à la vie céleste, comme le Seigneur l’avait promis : « Je vous préparerai une place » (Jean 14,2). En effet, comme sa mort et sa Résurrection, l'Ascension du Sauveur s'est accomplie dans la chair. Par son corps, le Christ fait entrer l'humanité sauvée dans le sein de la Trinité. « Ô Christ, après avoir chargé sur tes épaules notre nature égarée, Tu t'es élevé pour l'offrir au Père » (7e ode du canon de l'Ascension).
Les anges acclament le Dieu-Homme, ils accueillent dans le sanctuaire divin le Grand Prêtre venu avec son propre sang offrir le Sacrifice Unique (cf. Hébr. 9, 11-14). Les Puissances incorporelles, chérubins et séraphins, célèbrent avec le Christ la Liturgie céleste et éternelle.
En affirmant l’Ascension du Christ, nous parlons aussi de nous-mêmes. Nous percevons le ciel comme notre vie véritable et, dès lors, nôtre vie terrestre devient riche de sens, se remplit de joie, car en Christ elle s'est élevée et s'est transformée en une ascension.
Le monde a eu un commencement, il aura une fin. La fin du monde coïncide avec le retour du Christ.
(Les trois paragraphes suivants et le dernier sont empruntés au père Alexandre Schmemann.)
Pour les premières générations chrétiennes, la seconde venue du Christ était attendue comme un événement joyeux. Le dernier livre du Nouveau Testament que l'on appelle Révélation ou Apocalypse de Jean le théologien, se termine par cet appel : « Viens, Seigneur Jésus ! ». Mais progressivement, au fil des siècles, cette joie s'est transformée en crainte, la crainte d'un jugement redoutable. On doit reconsidérer, à la lumière de notre expérience chrétienne, ce que signifie cette peur. Le mot crainte dans l'Écriture et la Tradition chrétienne est pris dans deux acceptions : l'une a un sens positif, l'autre un sens négatif.
L'aspect négatif est très bien exprimé par Jean le théologien : « Celui qui craint n'est pas dans l'amour, car la crainte suppose un châtiment, le parfait amour bannit la crainte... » (1 Jean 4,18). Si nous croyons en Christ et si nous l'aimons, il ne peut y avoir de place dans notre âme pour la peur, car elle est anéantie par la lumière de la foi, de l'espérance et de l'amour. La crainte est signe de péché, elle dénote un manque d'amour envers le Christ, un manque de confiance en Lui.
La signification positive du mot crainte nous est donnée dans cette autre parole de l'Ecriture : « Le commencement de la Sagesse est la crainte du Seigneur » (Ps. 110,10 ; Prov. 9,10). Non seulement elle n'est pas éliminée par la foi, l'espérance et l'amour, mais elle leur est inhérente : elle en est leur expression profonde. Elle ne provient pas de l'ignorance, mais bien au contraire de la connaissance de Dieu, de l'infinie sainteté de son amour, de la connaissance de son appel adressé à chacun d'entre nous : « Soyez saints comme Je suis saint... Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Lév. 11,44 ; Matth. 5,48). Elle est faite de vénération, de ravissement, du sentiment de notre indignité.
Le jour du retour du Christ, de sa Parousie, sa présence glorieuse sera évidente pour tous, une présence synonyme aussi de jugement : « Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, Il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant Lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs… » (Matth. 25,31-32). Ce jour-là, « l'œuvre de chacun sera manifestée » (1 Cor. 3,12), « Dieu jugera par Jésus-Christ les actions secrètes des hommes » (Rom. 2, 16). « Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu'il aura fait, étant dans son corps » (2 Cor. 5,10). Tout ce qui vient du Malin, tout le mal du monde sera détruit en ce jour. « Les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père » (Matth. 13,43).
Le Jugement dernier n'est pas la sentence que prononcerait un Maître sur des esclaves. C'est le jugement que portent l'amour divin, la vérité, la beauté divines sur notre âme. Les premiers chrétiens attendaient le retour du Christ, car ils savaient et croyaient, guidés par leur expérience spirituelle, que leur seraient ainsi révélés le Royaume éternel de l'amour, la connaissance de Dieu, d'une vie éternelle en Lui. Ils attendaient le Christ avec crainte et tremblement, mais avec une crainte révérencielle identique à celle que nous éprouvons lorsque nous nous approchons de la communion avec foi, crainte de Dieu et amour, conscients de la grandeur du don au regard de notre propre indignité.
Notre Liturgie commence par cette bénédiction : « Béni est le Royaume du Père, du Fils et du Saint-Esprit… ».
(Les quatre paragraphes suivants sont empruntés au père Alexandre Schmemann.)
Dans l'Évangile, l'enseignement du Christ était avant tout l'annonce du Royaume de Dieu. « Repentez-vous, car le Royaume de Dieu est tout proche » (Matth. 4,17). Voilà les premières paroles du Christ citées dans les Évangiles, qui nous disent que le Christ traversait tout le pays, annonçant la bonne et joyeuse nouvelle concernant le Royaume.
Cette réalité annoncée par le Christ n'a rien à voir avec une vague notion d'un au-delà. Le Royaume de Dieu est la plénitude de la vie, de la joie, de la connaissance ; il est triomphe de la vie divine pour laquelle Dieu avait créé l'homme et le monde, et dont l'homme s'est détaché à cause du péché et de son égoïsme. Mais le Christ lui a restitué ce Royaume.
Le Royaume de Dieu est avant tout dans le Christ lui-même, dans sa vie humaine, rayonnante de beauté, de bonté, de vérité. Il est dans l'amour du Christ, dans son obéissance, dans son abnégation, dans sa victoire. « En Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes », s'exclame saint Jean le théologien (Jean 1,4). Cette vie nous est apparue et nous fut donnée ; nous pouvons en vivre : elle est le Royaume de Dieu qui est en nous.
C'est pourquoi nous prions pour le Royaume de Dieu, car nous l'aimons et nous le connaissons, puisque le Christ nous l'a révélé, nous l'a octroyé. Mais il ne se présente pas de façon visible. Le monde continue de vivre avec ses passions, ses peurs, son avidité. Mais celui qui ouvre, ne serait-ce que partiellement, sa vie au Christ, qui découvre l'existence d'une autre vie, une autre façon de vivre, se libère intérieurement de l'asservissement aux vanités de ce monde : dans son âme s'instaurent une joie et une paix dans l'Esprit-Saint (cf. Rom. 14,17) que personne d'autre ne peut lui offrir sur cette terre et qui pourtant sont là, au plus profond de son être.
Le règne du Christ n’aura pas de fin : « Ton trône, ô Dieu, est un trône éternel ; c’est un sceptre de droiture que le sceptre de ton règne » (Ps. 44,7). « Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde » (Matth. 28,20).
Le Fils de Dieu, devenu Fils de l’homme, hérite du Royaume des cieux. Il règne à jamais avec le Père et l’Esprit. Il nous invite à partager son Royaume : « Car nous sommes enfants, donc aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, puisque nous souffrons avec Lui, pour être glorifiés avec Lui » (Rom. 8,17). « Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec Lui dans la gloire » (Col. 3,4).
Les juifs de l'Ancien Testament savaient que l'Esprit de Dieu pouvait habiter le cœur de l'homme. L'Esprit de Dieu s'emparait des prophètes pour les faire parler en son Nom. De même l'onction royale (par de l’huile) s'accompagnait du don de l'Esprit. David est l'oint du Seigneur : messie, prophète et roi, il préfigure le Christ.
L'Ancien Testament savait discerner les manifestations de l'Esprit, mais ne connaissait pas le Saint-Esprit en tant que l’une des Personnes de la Trinité. Dieu seul peut révéler Dieu. Par son Incarnation, le Christ Dieu nous fait connaître le Saint-Esprit : « À ton baptême dans le Jourdain, Seigneur, s'est révélée l'adoration due à la Trinité : car la voix du Père te rendait témoignage en te nommant Fils bien-aimé ; et l'Esprit, sous forme de colombe, confirmait la certitude de cette parole. Christ Dieu, Tu es apparu et Tu as illuminé le monde, gloire à Toi ! » (tropaire de la Théophanie).
(Les deux paragraphes suivants sont empruntés au père Alexandre Schmemann.)
Parler de l'Esprit-Saint, essayer d'expliquer notre foi en Lui dans notre langage rationnel, est bien plus difficile que de parler du Père ou du Fils. Notre intelligence peut concevoir un Dieu, Créateur du monde, un Père qui nous aime, qui est tout puissant. Nous croyons aussi en son Fils unique, puisque nous aimons son image. Mais lorsque nous tentons de parler de l'Esprit-Saint, il s'avère difficile, et même presque impossible de comprendre, de percevoir ce qui le distingue du Père et du Fils, ou tout simplement de saisir le sens de la foi de l'Église en un Dieu Unique qui se révèle en trois Personnes, la Sainte Trinité. Pourtant, cette connaissance, cette expérience religieuse de Dieu, que l'Église a toujours considérée comme l'apogée de la foi et de la vie spirituelle, est une vérité universelle et constitue ce que l'Évangile appelle la Vie éternelle.
L'Esprit ne s'identifie à rien, et pourtant Il est présent, transparaît en toute chose. « L'Esprit souffle où Il veut, mais nous ne savons ni d'où Il vient ni où Il va... » (Jean 3,8). En hébreu ancien, Esprit se dit Rouach, ce qui signifie étymologiquement le vent, c'est-à-dire une force invisible, mais bien réelle et capable de tout mouvoir. Lorsque nous appliquons le mot Esprit à Dieu, nous affirmons à la fois son invisibilité et sa présence, son activité créatrice et sa force vivifiante dans le monde. L'Esprit-Saint, c'est la présence de Dieu, partout et toujours. Nous ne pouvons pas montrer ou démontrer Dieu, pas plus que nous ne pouvons montrer ou démontrer la beauté rayonnante, joyeuse de la lumière solaire à un aveugle-né. En revanche il n'est besoin d'aucune preuve pour faire l'expérience de sa présence spirituelle.
Au commencement de chaque prière, nous l’invoquons en disant : « Roi céleste, Consolateur, Esprit de vérité, Toi qui es partout présent et qui emplis tout, Trésor des biens et Donateur de vie, viens et fais ta demeure en nous, purifie-nous de toute souillure et sauve nos âmes, Toi qui es bonté ».
C’est le Christ qui nous a fait connaître l'Esprit-Saint en tant que Personne divine qui procède du Père, c'est-à-dire qui vient du Père. Il a promis sa venue sur terre après que Lui-même sera retourné vers le Père : « Quand sera venu le Consolateur, que Je vous enverrai de la part du Père, l'Esprit de vérité, qui procède du Père, Il rendra témoignage de Moi » (Jean 15, 26). « Quand le Consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, Il vous conduira dans toute la vérité » (Jean 16,13). Cette promesse s’est réalisée lorsque l'Esprit-Saint a été communiqué à l’Église le jour de la Pentecôte (Actes 2,1-4). Et nous l’avons reçu personnellement à notre baptême.
Nous confessons que l’Esprit-Saint est Seigneur (cf. Jean 4,24 ; 2 Cor. 3,17) : Il est Dieu, consubstantiel au Père et au Fils. Il est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, selon les termes de saint Basile-le-Grand.
Il témoigne du Père et du Fils, Il nous conduit à Lui, mais Il n'est ni le Père, ni le Fils. Il est Celui qui dévoile le chemin vers Dieu, Il est aspiration à la joie de sa présence. Il demeure en nous, et selon la Parole du Christ, Il nous enseigne toute vérité, nous sanctifie, nous accorde la vie éternelle. Voilà le mystère lumineux de la foi chrétienne, le mystère du Dieu-Trinité, du Dieu-Amour.
Mystère magnifiquement exprimé dans l’icône de la Trinité de Roublev.
L’histoire du salut (de l’alliance de Dieu avec l’humanité pour la sauver) a commencé bien avant la venue de Jésus-Christ et le don du Saint-Esprit à la Pentecôte. L'Esprit-Saint a parlé au peuple d’Israël par les prophètes, Il inspire toute l’Ecriture sainte. Les prophètes Isaïe et Joël ont prédit l'effusion de l'Esprit-Saint pour le Jour du Seigneur, à la fin des temps : « Je répandrai mon esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, et vos jeunes gens auront des visions » (Joël 3,1 ; cf. aussi Is. 44,3).
(Les quatre paragraphes suivants sont empruntés au père Alexandre Schmemann.)
Dans l'usage courant, le terme de prophétie est devenu synonyme de prédiction. Or, même si la prédiction de l'avenir fait partie de la conception chrétienne du prophétisme, elle n'en épuise pas le sens. L'essence du prophétisme réside dans l'annonce aux hommes de la volonté divine, qui reste cachée dans les événements de la vie humaine, dans son histoire.
Même si, comme tout homme, il est inséré dans les limites du temps et de l'espace, dans des circonstances déterminées, le prophète se trouve investi d'une mission divine qui lui permet de dépasser ces limites : il voit, il entend, il distingue la volonté de Dieu dans les choses les plus petites ; il en dégage la signification qui vaut pour le monde, pour chaque homme et pour toute l'histoire.
Les prophètes de l'Ancien Testament mentionnent des conflits armés, des révoltes, des meurtres, des conquêtes qui ont eu lieu dans de tout petits états ; ils évoquent des hommes et des faits que tout le monde a déjà depuis longtemps oubliés. À travers de petits événements se manifeste, dans toute son incommensurable grandeur, le projet divin à notre sujet.
« Si vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous ! ». Voilà en fin de compte ce que disent les prophètes. Aussi l'homme est-il toujours appelé à choisir entre deux voies : suivre Dieu, ou avancer sans Dieu, ce qui revient à marcher contre Lui.
Si vous ne faites pas pénitence : cela implique que l'homme peut justement surmonter la fatalité du péché, qu'il est capable de changer, de choisir la volonté de Dieu. La mission de prophète est d'embraser le cœur des hommes par cet appel, de les convertir à ce choix.
Nous disons : « je crois en l'Église », comme nous disons : « je crois en Dieu ». En effet, l'Église est un mystère, objet de notre foi, car nous croyons qu'elle est, comme notre Seigneur Jésus-Christ, divine et humaine à la fois. En l'Église, comme en Christ, il y a deux natures : la nature divine apportée par le Fils de Dieu, et la nature humaine que le Seigneur assume et porte avec nous les hommes.
Dans l'original grec, le mot qui désigne l'Église est Ekklesia. On peut le traduire par l'expression : assemblée des appelés. L'Église est donc infiniment plus qu'une simple société humaine dont les membres partageraient le même idéal et la même foi, ce n'est pas une assemblée quelconque, fortuite, réunie sans aucun but précis. L'Église est la réunion dans l'unité de ceux qui ont été appelés par le Christ. L'Église est le lieu même où s'accomplit l'union entre Dieu et les hommes. L'Église porte en elle le mystère inépuisable de la présence du Christ au monde. Depuis la Pentecôte, Dieu habite le monde par le souffle de l'Esprit-Saint qui anime et sanctifie le corps ecclésial.
Le Christ aime l'Église comme son Épouse, nous dit saint Paul (cf. Éph. 5,25-32). Elle a reçu la vie par l'eau du Baptême et le sang de l'Eucharistie lorsque, sur la Croix, le coup de lance fit couler l'eau et le sang (Jean 19,34). Les Pères de l'Église comparent le sommeil de la mort du Christ sur la Croix, à celui d'Adam au paradis, lorsque Dieu modela la femme de sa côte (Gen. 2,21-22). Ainsi, l'Église prend naissance du côté transpercé du Seigneur. Elle est la chair de sa chair, en elle coule le sang divin.
(Cette partie est largement empruntée au père Alexandre Schmemann.)
Dans le symbole de foi, l’Église est caractérisée par quatre adjectifs : une, sainte, catholique et apostolique.
L'Église est une : ce mot définit l'Église, non pas visible, mais spirituelle. Car extérieurement l'Église est divisée en une multitude d'églises, elle est dispersée dans le monde entier. Malgré cela, elle est appelée à manifester son unité aux hommes. Une unité, en premier lieu, avec Dieu, une unité venue d'en haut.
L’Église est une car le Christ ne peut être divisé (cf. 1 Cor. 1,13).
L'Église est sainte. Cela ne veut pas dire que l'Église est composée de personnes parfaites. Cela signifie que l'Église est appelée à sanctifier notre vie, qu'elle doit la purifier par la force divine, la libérer de l'asservissement au péché, l'élever, la diriger vers Dieu, la transfigurer par l'Esprit-Saint.
L’Église est sainte car elle est le Corps du Christ (cf. 1 Cor. 12,27), le Temple du Saint-Esprit (cf. 1 Cor. 3,16 ; 2 Cor. 6,16 ; Éph. 2,21-22).
Le mot catholique vient du grec katholikos, qui exprime l'universalité de l'Église. L'Église est universelle, car l'enseignement du Christ s'adresse, non pas à un peuple particulier, ni à une époque ou une culture déterminée, mais à toute l'humanité, à toutes les cultures et à toutes les époques. Le Christ nous dit : « Allez dans le monde entier et annoncez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Marc 16,15).
Mais la catholicité n’est pas seulement l’universalité au sens spatial et temporel. C'est la plénitude de la vérité révélée qui n'appartient qu'à l'Église fondée par le Christ. Le Christ est, en effet, la Vérité incarnée (cf. Jean 14,6), celle que nous révèle sans cesse le Saint-Esprit, depuis la Pentecôte (Jean 16,13-14).
Selon une expression de Vladimir Lossky, l’Église est catholique dans son ensemble aussi bien que dans chacune de ses parties. La Vérité est confessée par l'Église tout entière, dans son ensemble, et simultanément, elle est confessée personnellement par chaque chrétien. Unité de nature en Christ, et multiplicité des personnes dans l'Esprit, font de l'Église une icône de la Trinité. Comme Dieu est Un en trois Personnes, nous sommes l'Église Une, formée de multiples personnes. Chaque chrétien a reçu personnellement le Saint-Esprit : la Chrismation, inséparable du Baptême, représente la Pentecôte personnelle renouvelée pour chacun. Chacun est unique et irremplaçable, et pourtant nous formons un seul corps, l'Église, Corps du Christ.
Enfin nous confessons l'Église comme apostolique. Le mot apôtre veut dire en grec celui qui est envoyé. L'Église est donc, premièrement, fondée sur le témoignage, l'enseignement, la prédication des apôtres, qui furent choisis par le Christ Lui-même. « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai élus » (Jean 15,16). Deuxièmement, l'Église est appelée à être toujours apostolique, elle est envoyée en permanence dans le monde, vers les hommes, elle reste constamment en mission dans ce monde, pour servir le Christ.
(Cette partie est largement empruntée au père Alexandre Schmemann.)
L'Évangile commence par le récit du baptême du Christ par Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain. Il s'achève sur le commandement à ses apôtres : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que Je vous ai prescrit. Et Moi, Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Matth. 28,19-20).
À l'époque des évangiles, le baptême, du grec baptismos qui signifie immersion, était un rituel parfaitement compréhensible. L'homme reconnaissait qu'il était sali par le péché et, en faisant pénitence, il désirait être purifié, pardonné, afin de renaître. L'eau, source de vie et de purification, en était le symbole le plus évident, et l'immersion dans l'eau était le rite le plus répandu.
L'enseignement du Christ n'est pas simplement une philosophie ou une morale : il est avant tout la Bonne Nouvelle, l'annonce que Dieu est venu dans le monde pour sauver les hommes du péché et de la mort en leur accordant une vie nouvelle, sainte. Le baptême est le signe de ce don ou, pour le dire en terme liturgique, il est sacrement. Par ce sacrement, c'est-à-dire par l'immersion dans l'eau, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous sommes invisiblement unis au Christ et, par Lui, à Dieu le Père et au don de l'Esprit-Saint. L'immersion dans l'eau symbolise la mort de l'homme soumis à l'esclavage de la matière, du péché, de l'égoïsme, des passions. L'émersion est signe de sa résurrection, de sa renaissance, le début d'une vie nouvelle en union avec le Christ.
C’est ce qu’affirme l’apôtre Paul : « Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ » (Gal. 3,27). « Nous avons été ensevelis avec Lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle. En effet, si nous sommes unis à Lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection » (Rom. 6,4-5).
Et dans le rituel du baptême, le baptisé déclare : « Je me joins au Christ ».
Le baptême est le fondement de l'Église ; car l'Église n'est pas uniquement une organisation chargée de diffuser le message du Christ, ou de garantir une assistance mutuelle. Elle est l'union au Christ de tous ceux qui ont reçu de Lui le pardon des péchés et le don d'une vie nouvelle. L'homme vient au monde comme membre d'un peuple ou d'une nation déterminée. Le chrétien naît et entre dans le nouveau peuple de Dieu par le baptême.
(Les trois premiers paragraphes sont empruntés au père Alexandre Schmemann.)
Jusqu'à ce stade, tout au long de l'énoncé du Symbole de la foi, le mot clé était le terme posé au départ : « Je crois ». Il était sous-entendu dans chaque affirmation : « Je crois en un seul Dieu le Père... Je crois en son Fils Jésus-Christ... Je crois en l'Esprit-Saint... », et enfin : « je crois en l'Église ».
Lorsque, après avoir énuméré tout ce à quoi je crois, j'ajoute « J'attends », cela signifie que ma foi se transforme en une sorte de principe actif. J'attends ce en quoi je crois, ma foi devient source d'espérance. L'expression « j'attends » inclut le désir de ce qui est attendu. J'attends la résurrection des morts, parce qu'elle m'est donnée, et que toute la foi chrétienne n'est rien d'autre que la connaissance impérieuse, bien qu'indémontrable, que l'homme est appelé à l'éternité.
C'est pourquoi le Symbole de la foi se termine par cette attente radieuse : « J'attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir ».
L’espérance de la résurrection des morts au dernier jour n’est pas une nouveauté pour les juifs : elle était annoncée par les prophètes d’Israël depuis des siècles : « Tes morts revivront, leurs cadavres ressusciteront ; réveillez-vous, exultez, tous les gisants dans la poussière, et le pays des ombres enfantera » (Is. 26,19). C’est ainsi que Marthe, confessant la foi de ses pères, a dit à Jésus : « Je sais que mon frère Lazare ressuscitera au dernier jour ». Et Jésus lui a répondu : « Je suis la Résurrection et la Vie ; celui qui croit en Moi, fut-il mort, vivra » (Jean 11,24-25).
La nouveauté de l'Évangile, c'est le Christ. Dans sa Personne, par sa Résurrection, la résurrection universelle commence : « Il est le premier-né d'entre les morts… Il vous a maintenant réconciliés par sa mort dans son corps de chair, pour vous faire paraître devant Lui saints, irrépréhensibles et sans reproche » (Col. 1, 18-22).
Le Symbole des Apôtres utilisé pour le Baptême par les Églises d'Occident mentionne la résurrection de la chair ; cette expression est plus explicite que la résurrection des morts, car elle ne permet pas d'équivoque. Il ne s'agit pas uniquement de la survie de l'âme ; il ne s'agit pas non plus d'une réincarnation dans un autre corps. Il s'agit bien de notre chair, qui sera à nouveau vivifiée, recréée en Christ, par le souffle du Saint-Esprit. Le corps corruptible, celui que l'on dépose au cimetière, sera transfiguré et transformé en corps incorruptible, comme l’explique saint Paul dans un long développement poétique plus convaincant qu’un raisonnement logique (cf. 1 Cor. 15-58).
L'espérance la plus grande de l'homme, c'est de vivre après la mort. Nous ne vivons pas pour ce monde seulement. Nous avons déjà goûté à cette vie nouvelle cachée en Dieu. Et c’est elle que nous attendons et désirons plus que tout.
« Pour nous, notre cité est dans les cieux, d'où nous attendons, comme sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, qui transfigurera notre corps de misère pour le rendre semblable à son corps de gloire, par le pouvoir qu'Il a de soumettre toutes choses à son autorité » (Phil. 3,20-21).