METZ
PAROISSE ORTHODOXE DES TROIS SAINTS HIERARQUES
Basile-le-Grand, Grégoire-le-Théologien et Jean-Chrysostome
православная церковь русской традиции
Bienvenue à vous tous. Après la Liturgie de ce matin, puis les Vêpres du Pardon, vous avez le courage de rester pour cette catéchèse, dans laquelle je voudrais vous parler un peu de la Liturgie.
Au cours de séances précédentes, nous avons déjà eu l’occasion d’aborder le sujet des offices liturgiques en général, et en particulier des Vêpres et des Matines. Lorsque nous parlons de "la Liturgie", avec un L majuscule, il s’agit de la Liturgie eucharistique, la célébration du mystère du Christ qui se donne en nourriture, le sommet de la vie liturgique et sacramentelle (mais qui suppose la pratique des autres offices).
Je ne vais pas donner une grande explication de la Liturgie : vous en avez déjà l’expérience. Et comme, dans notre paroisse, la plupart des prières du prêtre sont dites à haute voix, vous avez la possibilité d’y participer de manière consciente. Je voudrais seulement évoquer quelques points que les fidèles ne voient pas forcément.
Comme vous savez, nous pratiquons deux Liturgies : celle de saint Jean-Chrysostome, la plus courante, et celle de saint Basile certains jours de l’année, notamment les dimanches de carême. Les points que je vais expliquer sont communs aux deux.
Concernant le schéma d’ensemble de la Liturgie, il est facile de distinguer trois parties :
a) Une partie introductive : les trois antiennes avec les litanies.
Les antiennes sont des psaumes chantés. Le dimanche, ce sont les psaumes 102 et 145 et les Béatitudes (les trois antiennes de l’office des Typiques). En semaine : les psaumes 91, 92 et 94. Les jours de fête (du Christ et de la Mère de Dieu) : des psaumes spécifiques en relation avec la fête.
Historiquement, dans les premiers temps de l’Église, cette partie constituait un office particulier, célébré avant l’Eucharistie, et pouvait avoir lieu en dehors de l’église, sous forme de procession vers l’église.
b) La Liturgie de la Parole, appelée aussi Liturgie des catéchumènes, car cette partie était autrefois la seule à laquelle participaient ceux qui se préparaient au baptême.
Elle commence par la Petite Entrée : l’entrée du clergé dans le sanctuaire avec l’évangéliaire. Il s’agit bien d’une entrée (et non d’une sortie, comme on l’interprète parfois en disant qu’elle représente la sortie du Christ pour prêcher). C’est tout-à-fait clair dans le cas d’une Liturgie avec l’évêque. La Liturgie présidée par l’évêque a mieux conservé le sens et les détails de la pratique ancienne.
Puis, après le chant des tropaires et le moment très solennel du Trisagion, nous avons les lectures de l’épitre et de l’Évangile, qui constituent le cœur de cette partie : le sacrement de la Parole.
Je rappelle qu’un Évangile est lu également aux Matines des jours festifs, et en particulier des dimanches. C’est important de le savoir, car le dimanche, jour de la Résurrection, on lit bien un Évangile de la Résurrection, non pas à la Liturgie, mais aux Matines.
Remarquons encore que la place de l’évangéliaire, qui matérialise la présence du Christ, est de rester sur l’autel. La place de l’apôtre (le livre des épitres) est dans le sanctuaire, mais pas sur l’autel. Quant au livre contenant les lectures de l’Ancien Testament, il n’est pas dans le sanctuaire, mais auprès du chœur : il n’est pas lu à la Liturgie, mais aux Vêpres.
c) La Liturgie eucharistique, appelée aussi Liturgie des fidèles, parce qu’à l'origine cette partie était réservée aux seuls baptisés.
Elle commence par la Grande Entrée (avec les saints dons) et se déploie autour de la prière eucharistique, avec ses différents aspects : l’action de grâce, l’offrande, le sacrifice, le don du Saint-Esprit, la communion… J’y reviendrai plus en détail dans la suite de mon discours.
Après cette brève introduction, mon exposé comprendra deux parties :
- la Liturgie en tant que participation au Royaume, sa dimension céleste,
- l’offrande (le pain et le vin) : sa matérialité et son devenir au cours de la Liturgie.
C’est le père Alexandre Schmemann, un théologien du 20e siècle, qui a développé cette vision de l’Eucharistie comme sacrement du Royaume. Alexandre Schmemann : L’Eucharistie, sacrement du Royaume. Ymca-Press, 1985. Il s’agit de voir la Liturgie comme un dépassement du temps et du lieu, ou plutôt comme une transfiguration du temps et de l’espace, une transfiguration du monde.
Tout au début de la Liturgie, lorsqu’il y a un diacre, il annonce au prêtre :
Voici le temps d'agir pour le Seigneur.
C’est un verset (126) tiré du psaume 118. Le mot grec pour le temps est kairos, un temps qui est déjà au-delà du temps. On entre dans un autre temps, le temps de Dieu, le temps de l’éternité. L’éternité fait irruption dans le temps. On est encore sur la terre, mais on entre déjà dans le Royaume. Ce que confirme la bénédiction initiale du prêtre :
Béni est le Royaume du Père, du Fils et du Saint-Esprit, maintenant et toujours et pour les siècles des siècles.
Et dans le chant des Béatitudes qui vient peu après, on demande :
Dans ton Royaume, souviens-Toi de nous, Seigneur.
Le Royaume, c’est le ciel sur la terre. La participation à la Liturgie nous élève jusqu’au ciel.
Il faut préciser que, dans la Liturgie, on ne prie pas que pour soi, de manière individualiste, mais ensemble. Nous sommes tous concélébrants. On peut remarquer que presque toutes les prières du prêtre sont dites à la première personne du pluriel : « Nous… ». On ne vient pas à l’église pour sa piété personnelle seulement. On célèbre la Liturgie « pour le salut du monde ». On n’est pas sauvé seul, on n’est pas chrétien tout seul, mais en Église.
Étymologiquement, le mot liturgie signifie œuvre commune ou service du peuple ou culte public. « Dans la Liturgie, le peuple de Dieu se constitue en tant que peuple de Dieu. Et en même temps, c’est un service que le peuple de Dieu rend à tout ce qui n’est pas encore le peuple de Dieu ». Citation de Jean Tchékan dans Le Messager orthodoxe n° 170-171, p 72.
Le mot église lui-même vient du grec ekklesia, qui signifie assemblée. C’est pourquoi le père Alexandre Schmemann parle aussi de sacrement de l’assemblée. La Liturgie dans son ensemble est le sacrement du Royaume, mais elle commence par le sacrement de l’assemblée, lorsqu’on sort de chez soi pour se réunir en église. Saint Paul témoigne de cela lorsqu’il réprimande les corinthiens pour leur mauvaise conduite au repas du Seigneur : « J'apprends que, lorsque vous vous réunissez en assemblée (ekklesia en grec) … » (1 Cor. 11,18-33). Par l’eucharistie, l’Église s’actualise comme Église, elle révèle et devient ce qu’elle est en réalité : le Corps du Christ, un corps dont le Christ (invisiblement présent) est la tête, et nous les membres.
Un autre point : la Liturgie n’est pas une construction purement humaine. La Liturgie que nous célébrons est une participation à une Liturgie qui existe déjà avant nous : la Liturgie céleste. Nous ne célébrons pas seulement entre nous, mais avec tout le monde céleste.
Plusieurs prières évoquent notre Liturgie comme une concélébration avec les anges :
a) Au moment de la Petite Entrée, le prêtre dit cette prière (que vous n’entendez pas, parce qu’elle est dite à voix basse) :
Maître et Seigneur, notre Dieu, Toi qui as établi dans les cieux les ordres et les armées des anges et des archanges pour servir ta gloire, fais que notre entrée soit aussi l'entrée des saints anges qui célèbrent et glorifient avec nous ta bonté.
Les anges passent en effet leur temps à glorifier Dieu, à célébrer la Liturgie céleste.
b) Peu après, nous avons le chant solennel du Trisagion :
Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous.
répété trois fois, précédé par la prière du prêtre :
Dieu Saint, qui reposes dans les saints, Toi à qui les séraphins chantent l'hymne trois fois sainte, Toi que glorifient les chérubins et qu'adorent toutes les puissances célestes…
Nous reprenons en effet le chant des Séraphins que le prophète Isaïe a entendu lorsqu’il a été témoin de la Liturgie céleste dans sa célèbre vision :
« L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de Lui ; ils avaient chacun six ailes : deux dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux dont ils se servaient pour voler. Ils se criaient l'un à l'autre : Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth (le Seigneur des armées célestes, c’est-à-dire des anges) ! Toute la terre est emplie de sa gloire ! » (Is. 6,1-3).
Dans notre prière, le « Saint, saint, saint » de la vision d’Isaïe est combiné avec un verset du Psaume 41 : « Mon âme a soif de Dieu, du Dieu fort, du Dieu vivant », pour donner « Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel ».
c) Ensuite, il y a le chant des chérubins (Chérubikon) à la Grande Entrée :
Nous qui, dans ce mystère, représentons les chérubins et chantons l’hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité, déposons maintenant tous les soucis de cette vie, pour accueillir le Roi de toutes choses, invisiblement escorté par les ordres des anges. Alléluia, alléluia, alléluia.
d) Enfin, les anges sont présents au sein de la prière eucharistique.
Ayant commencé à louer Dieu pour sa grandeur et ses bienfaits, le prêtre ajoute cette prière :
Nous te rendons grâce aussi pour cette liturgie, que Tu as jugé digne de recevoir de nos mains, bien que se tiennent auprès de Toi des milliers d’archanges et des myriades d’anges, les chérubins et les séraphins, aux six ailes, aux yeux innombrables, volant dans les cieux, chantant, clamant, criant l’hymne de victoire et disant :
Et le chœur enchaîne en reprenant le chant des anges de la vision d’Isaïe (Is. 6,3), combiné cette fois-ci avec l’acclamation du Seigneur quand Il entre à Jérusalem (Matth. 21,9) :
Saint, Saint, Saint, Seigneur Sabaoth ! Le ciel et la terre sont emplis de ta gloire. Hosanna au plus haut des cieux ! Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !
Ajoutons que notre concélébration s’accomplit, non seulement avec les anges, mais aussi avec tous les saints. Ils sont par exemple mentionnés ainsi dans la prière eucharistique :
Nous t’offrons encore ce culte véritable pour ceux qui ont trouvé le repos dans la foi : les ancêtres, les pères, les patriarches, les prophètes, les apôtres, les prédicateurs, les évangélistes, les martyrs, les confesseurs, les ascètes et pour tout esprit juste accompli dans la foi. Et tout particulièrement pour notre très sainte, très pure, toute bénie et glorieuse Souveraine, la Mère de Dieu et toujours vierge, Marie.
Et le chœur chante l’hymne à la Mère de Dieu.
Les saints sont évidemment aussi présents dans l’église par leurs icônes, sans compter l’icône du Christ en tant que tête de l’assemblée, et les icônes des fêtes, qui actualisent les différents aspects du mystère du salut.
Je ne m’étends pas plus maintenant sur la concélébration avec les saints. J’y reviendrai à propos de la proscomidie.
Dans la partie visible de la Liturgie (en présence des fidèles), le pain et le vin apparaissent à la Grande Entrée et sont associés au sacrement de l’eucharistie. Mais en fait, la préparation des dons commence bien avant le début de la Liturgie.
Le pain qui sert à l'eucharistie s'appelle prosphore (un mot d’origine grecque, comme beaucoup de mots dans l’Église, qui signifie offrande). Il est fabriqué par la personne affectée à ce service, un ou plusieurs jours avant la célébration de la Liturgie, avec de la farine, de l’eau, de la levure, et un peu de sel.
Dans l’usage slave, on emploie cinq prosphores (voir photo 1), rappelant les cinq pains de l’Évangile qui ont été multipliés pour nourrir la foule venue écouter Jésus (cf. Matth. 14,17).
Photo 1
La première prosphore, généralement la plus grosse, au centre sur la photo, personnifie le Christ, Celui qui s’est offert Lui-même en sacrifice pour la purification de nos péchés (cf. Hébr. 9,11-10,18). Elle porte une empreinte représentant une croix avec, autour de ses branches, les lettres grecques (ΙΣ ΧΣ ΝΙ ΚΑ) ou cyrilliques (ИС ХС ΝΙ ΚΑ), qui signifient : "Jésus-Christ Vainqueur" (voir photo 2).
Photo 2
La deuxième prosphore, à droite du Christ sur la photo 1 (à gauche pour nous qui regardons), est pour la Mère de Dieu, dont elle porte l’image. Les autres prosphores portent une empreinte semblable à celle du Christ : l’une pour les saints (à gauche du Christ), les deux autres (en haut et en bas) pour les vivants et pour les défunts.
Dans l’usage grec, les cinq prosphores sont réunies en une seule (voir photo 3), avec la même disposition que ci-dessus.
Photo 3
En plus de ces cinq pains, on prépare des prosphores pour les fidèles. Lorsque les fidèles entrent dans l’église, normalement, chacun offre une prosphore, qu’il achète à la table d’offrandes, avec un dyptique sur lesquels il a inscrit les noms des vivants et des défunts pour lesquels il demande de prier.
Le fait d’offrir est quelque chose de très important pour les fidèles. À travers ce que nous offrons (de l’argent, des cierges, des prosphores…), nous sommes appelés à nous offrir nous-mêmes, comme le dit saint Paul : « Je vous exhorte, frères, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel » (Rom. 12,1). Et le premier qui s’offre, c’est le Christ, pour la vie du monde.
Toujours avant le commencement de la Liturgie proprement dite, il y a le rite de préparation, que l’on appelle proscomidie. Il est effectué dans le sanctuaire, non pas sur l’autel principal, mais sur l’autel dit de prothèse. Il se fait sans les fidèles : c’est dommage, parce qu’il a beaucoup de sens, c’est pourquoi je vais vous l’expliquer un peu.
Nous allons voir que ce rite actualise le sacrifice du Christ, accompli une fois pour toutes et mettant fin aux sacrifices antérieurs (cf. Hébr. 9,11-14). À la place des sacrifices d’animaux qui déplaisaient à Dieu (cf. Is. 1,11-17 ; Amos 5,22-24), notre rite correspond à un sacrifice non sanglant, un sacrifice de louange (cf. Ps. 49:14,23).
Le prêtre prend la première prosphore en disant cette prière, qui fait clairement mémoire de la Passion du Christ, de sa crucifixion et de sa mort, qui sera suivie de la Résurrection :
Tu nous as rachetés de la malédiction de la loi par ton sang précieux. Cloué sur la Croix et percé de la Lance, Tu as fait jaillir pour les hommes l'immortalité, ô notre Sauveur, gloire à Toi.
Ensuite, avec la lance, le prêtre incise la prosphore sur les quatre côtés autour de l'empreinte pour en découper, en forme de cube, la partie centrale, appelée Agneau. En détachant chacun des côtés, puis la partie inférieure, il cite les versets suivants de la prophétie d’Isaïe relatifs au Serviteur souffrant (Is. 53,7-8), qui est une figure du Christ dans sa passion :
Comme une brebis, Il a été mené à l'immolation.
Et comme un agneau sans tache, muet devant celui qui le tond, ainsi Il n'ouvre pas la bouche.
Dans son abaissement, son jugement a été rendu.
Et son origine, qui la dira ?
Car sa vie a été enlevée de la terre.
Puis il retourne l'Agneau et l’incise en forme de croix en disant :
Il est immolé, l'Agneau de Dieu qui prend le péché du monde pour la vie et le salut du monde.
C’est donc l’Agneau immolé qui est figuré ici, selon la parole prophétique de saint Jean-Baptiste lorsqu’il a vu le Seigneur s’approcher pour être baptisé : « Voici l’agneau de Dieu qui prend le péché du monde » (Jean 1,29).
L’Agneau est maintenant déposé sur la patène (voir photo 4). Ensuite, au moyen de la lance, le prêtre perce le côté droit de l'Agneau (à gauche sur la photo) en disant (Jean 19,34-35) :
L'un des soldats, de sa lance, lui transperça le côté, et aussitôt il en jaillit du sang et de l'eau. Et celui qui l'a vu en a rendu témoignage et son témoignage est véridique.
Puis il prend le vin coupé d'eau et le verse dans le calice en disant :
Bénie soit la sainte union en tout temps, maintenant et toujours et pour les siècles des siècles.
Le prêtre prend ensuite la deuxième prosphore, celle de la Mère de Dieu, et dit :
En l'honneur et mémoire de notre Souveraine toute bénie et glorieuse, la Mère de Dieu et toujours vierge Marie. Par ses prières, Seigneur, agrée ce sacrifice à ton autel céleste.
Ceci est important : le sacrifice a lieu sur la terre et on demande qu’il soit agréé dans le ciel : les deux niveaux, terrestre et céleste, se compénètrent.
Il enlève avec la lance une parcelle triangulaire qu'il dépose à la droite de l'Agneau (à gauche sur la photo 4), en disant :
La Reine s'est présentée à ta droite, richement parée et revêtue d'un vêtement resplendissant d'or.
C’est le verset 10 du psaume 44, qui justifie la place de la Mère de Dieu à la droite du Christ.
Sur la troisième prosphore, le prêtre prélève neuf parcelles qui correspondent aux neuf ordres de saints
et les dépose sur la patène en trois rangées verticales à gauche de l’agneau (donc à droite sur la photo 4) :
- la première parcelle en mémoire de saint Jean-Baptiste,
- la deuxième en mémoire des saints prophètes,
- la troisième en mémoire des saints apôtres,
- la quatrième en mémoire des saints évêques,
- la cinquième en mémoire des saints et saintes martyrs,
- la sixième en mémoire des saints moines et saintes moniales,
- la septième en mémoire des saints anargyres (les saints médecins),
- la huitième en mémoire des saints du jour, de la paroisse, de saints particuliers, et (le prêtre ajoute) de tous les saints,
- la neuvième en mémoire du saint dont nous célébrons la Liturgie (saint Jean-Chrysostome ou saint Basile).
Sur la quatrième prosphore, le prêtre détache des parcelles pour les vivants et les dépose au-dessous de l’agneau. Il commence par une parcelle (en forme de triangle) pour notre Archevêque, puis une deuxième pour notre pays et ceux qui le gouvernent. Il continue avec des parcelles pour les personnes dont les noms sont inscrits sur les listes de la paroisse (diptyques) : vous êtes tous, par exemple, sur ma liste. Ensuite, il prélève une parcelle sur chacune des prosphores apportées par les fidèles, en commémorant les noms des vivants qui figurent sur les dyptiques qui les accompagnent.
Avec la cinquième prosphore, le prêtre commémore, en détachant les parcelles correspondantes, l'évêque qui l'a ordonné (si celui-ci est décédé), et tous les défunts, d’abord ceux inscrits aux diptyques de la paroisse, puis sur les listes apportées par les fidèles. Il dépose ces parcelles en ligne au-dessous de celles des vivants.
Ainsi se trouve figurée sur la patène toute l'Église, rassemblée autour du Christ (photo 4).
Photo 4
Remarque : Le fait que des parcelles soient déposées sur la patène en commémorant des personnes (vivantes ou défuntes) signifie que ces personnes sont associées à l’eucharistie. Comme nous n’avons pas d’intercommunion avec les non orthodoxes, on ne devrait donc déposer des parcelles que pour des personnes orthodoxes. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas prier pour les non orthodoxes. On peut prier pour tout le monde, et il faut le faire. Mais il convient, sur vos dyptiques, de distinguer les personnes qui ne sont pas orthodoxes : on prie pour elles, mais sans déposer de parcelle, parce qu’on ne peut pas les faire communier à l’Église orthodoxe si elles n’ont pas décidé d’en faire partie.
Ensuite, le prêtre présente un astérisque au-dessus de l’encensoir et le place au-dessus de la patène en disant :
Et l'étoile vint se placer au-dessus de l'endroit où était l'Enfant.
Cet astérisque rappelle donc l’étoile qui a guidé les mages venus rendre hommage à l’enfant Jésus qui venait de naître (cf. Matth. 2,9).
Puis le prêtre recouvre les dons avec des voiles : un premier voile sur la patène, un deuxième voile sur le calice, et un voile qui recouvre l’ensemble et que l’on appelle aër, chaque voile étant encensé et déposé avec une prière spécifique. Je n’entre pas dans les détails.
Et la Préparation se termine par cette prière du prêtre :
Ô Dieu, notre Dieu, Toi qui nous as envoyé le Pain céleste, nourriture pour le monde entier, notre Seigneur et Dieu Jésus-Christ, Sauveur, Rédempteur et Bienfaiteur qui nous bénit et nous sanctifie. Toi-même, bénis cette offrande et reçois-la à ton autel céleste…
On retrouve l’affirmation que l’eucharistie est accomplie dans le sanctuaire céleste.
Après la proscomidie, les dons vont rester sur l’autel de prothèse pendant toute la première partie de la Liturgie. Et c’est à la Grande Entrée qu’ils vont enfin apparaître pour les fidèles, portés en procession par le prêtre, tandis que le chœur chante le Chérubikon.
Si vous avez suivi ce qui a été accompli à la proscomidie, vous comprenez que c’est l’agneau immolé, le Christ mort sur la Croix, qui fait son entrée, figurée par cette procession des dons.
Une fois rentré dans le sanctuaire, le prêtre enlève les voiles de la patène et de la coupe et les dépose pliés sur l’autel en disant les prières suivantes (que vous n’entendez pas, parce qu’il les dit à voix basse) :
Le noble Joseph descendit de la Croix ton Corps très pur, l’enveloppa d’un linceul immaculé et le déposa couvert d'aromates dans un sépulcre neuf.
Dans le tombeau avec ton corps, dans les enfers avec ton âme, en tant que Dieu, au paradis avec le Larron, et sur le trône aussi Tu étais avec le Père et l’Esprit, ô Christ, Toi l'Illimité qui emplis tout.
Ton tombeau vivifiant, source de notre résurrection, nous est apparu, ô Christ, plus resplendissant que le paradis et plus éclatant en vérité qu'aucune demeure royale.
La première prière est le tropaire du Vendredi-Saint, que l’on chante aux Vêpres de l’épitaphios. On fait donc mémoire de l’ensevelissement du Christ. Les deux suivantes sont des prières du matin de Pâques. Le tombeau devient alors le lieu de la Résurrection : le Christ a souffert et Il est mort, comme nous le confessons dans le Crédo, Il a été déposé dans le sépulcre, et ce sépulcre est devenu par là-même le lieu de la Résurrection, le lieu d’où jaillit la Vie.
Ensuite, après une litanie, puis l’invitation à « nous aimer les uns les autres », et la récitation du symbole de foi, qui manifeste l’union de tous dans la foi de l’Église, vient ce qui est le cœur de la Liturgie : le canon eucharistique, avec ses deux versions : celle de saint Jean-Chrysostome, assez concise, et celle plus développée de saint Basile.
On pourrait faire tout une catéchèse sur la prière eucharistique, mais ce n’est pas mon objet aujourd’hui. Vous la connaissez déjà un peu par expérience et, comme je l’ai déjà dit, l’important est d’y participer. Je ne vais donc pas tout expliquer, mais seulement attirer votre attention sur quelques points en relation avec l’action qui a lieu sur les dons.
La prière eucharistique proprement dite commence, sur le modèle de la prière juive de l’Ancien Testament, par une action de grâces (c’est la signification du mot eucharistie) pour tous les bienfaits déjà accordés par Dieu, jusqu’au rappel des paroles du Christ établissant le lien entre ce qu’Il nous donne en nourriture pour le Royaume et son sacrifice sur la Croix (cf. Matth. 26,26-28 et parall. ; 1 Cor. 23-26) :
Prenez, mangez, ceci est mon Corps, qui est rompu pour vous en rémission des péchés.
Buvez-en tous, ceci est mon Sang, le Sang de la Nouvelle Alliance, répandu pour vous et pour la multitude en rémission des péchés.
Puis le prêtre élève la patène et le calice, en disant :
Ce qui est à Toi, et qui vient de Toi, nous Te l’offrons en tout et pour tout.
Après l’action de grâces et le mémorial du sacrifice du Christ, c’est l’aspect offrande qui est exprimé ici. Si nous pouvons offrir quelque chose, c’est parce que Dieu nous l’a déjà donné, mais sous une forme non achevée. Dieu nous a donné les graines et les fruits, et nous y avons ajouté notre contribution humaine pour fabriquer le pain et le vin.
Nous offrons donc ce pain et ce vin et, en retour, Dieu va nous donner quelque chose d’encore plus grand. Le prêtre prie alors pour demander ce que Dieu a promis :
Nous t’offrons encore ce culte véritable et non sanglant et nous t’invoquons, nous te prions et nous te supplions : Envoie ton Esprit-Saint sur nous et sur ces Dons que voici.
Et fais de ce Pain le Corps précieux de ton Christ. Et vous répondez : Amen.
Et de ce qui est dans cette coupe le Sang précieux de ton Christ. Vous répondez : Amen.
Opérant leur changement par ton Esprit-Saint. Et tous répondent : Amen, amen, amen.
Il y a ici un échange de dons entre ce que nous offrons et ce que Dieu vient accomplir. Dieu se donne Lui-même dans ce que nous lui avons offert. C’est par l’action de l’Esprit-Saint donateur de vie que le pain et le vin, figurant le Christ descendu dans la mort, vont devenir le Corps et le Sang du Christ ressuscité.
La présence et l’action du Saint-Esprit sont encore signifiées, juste avant la communion, lorsque le prêtre verse de l’eau chaude, appelée zéon, dans le calice, en disant :
Chaleur de la foi emplie d'Esprit-Saint.
Nous sommes maintenant arrivés au moment de la communion. Il faut savoir que c’est au Corps et au Sang du Christ ressuscité que nous communions. C’est la vie du Christ ressuscité qui nous est donnée. Ce que le prêtre, une fois la communion terminée, confirme en disant :
Ayant contemplé la résurrection du Christ… et la suite de l’hymne de la Résurrection.
Il dit cette prière en immergeant dans le calice les parcelles restées sur la patène. Cela veut dire que toutes les parcelles associées aux noms des personnes commémorées à la proscomidie vont être immergées dans le sang du Christ. C’est une manière très forte d’indiquer que tous participent à l’eucharistie. Et en terminant, le prêtre ajoute :
Lave, Seigneur, par ton Sang précieux les péchés de tes serviteurs dont il a été fait mémoire ici, par l'intercession de la Mère de Dieu et de tous tes saints.
En participant à la Liturgie, nous avons donc été témoins de la mort et de la Résurrection du Christ. Nous avons reçu le don du Saint-Esprit et avons été invités au repas du Seigneur dans son Royaume. Nous pouvons alors chanter cette hymne :
Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste, nous avons trouvé la foi véritable, nous adorons l’indivisible Trinité, car c’est Elle qui nous a sauvés.
Ces mots sont très forts : il peut nous arriver de les chanter d’une manière distraite mais, après cette catéchèse, vous serez plus attentifs à le faire de manière consciente.
La Liturgie se termine. Nous pouvons « sortir en paix », en gardant dans le cœur ce que nous avons reçu.